« Vu l’article 1315, devenu 1353, du code civil ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Caen, 19 avril 2016), que la résidence de l’Hermitage est composée de bâtiments dont la réception a été prononcée le 31 octobre 1986 ; que, le 30 août 1996, le syndicat a déclaré un sinistre relatif à des désordres affectant les garde-corps en chêne des balcons à la société AGF, devenue société Allianz, assureur dommages-ouvrage, qui a notifié sa prise en charge du sinistre ; que les travaux de reprise ont été confiés à la société Menuiserie Haute et Basse Normandie (la société MHBN), assurée auprès de la société Axa, sous le contrôle de la société de coordination et d’ordonnancement (la société SCO), assurée auprès de la société Sagena ; qu’est également intervenue la société Desperrois, qui a réalisé un métré des éléments détériorés ; que les travaux ont été réceptionnés le 2 octobre 2001 ; qu’en 2007, le syndicat a adressé une nouvelle déclaration de sinistre à la société AGF, qui y a opposé la prescription de l’action ; que le syndicat a, après expertise, assigné la société Allianz en indemnisation de ses préjudices ;

Attendu que, pour rejeter cette demande, l’arrêt retient que l’expert judiciaire a retenu que le bois était atteint et complètement pourri à raison de la présence d’un champignon résupiné, le perenniporia meridionalis, dont la première description remontait à 2004, qui avait été récolté en Belgique à partir de 1990 et dans l’Est de la France en 2002 et répertorié dans l’Ouest en 2005-2008, que ce champignon faisait perdre toute résistance mécanique aux garde-corps et que le sinistre trouvait sa source dans les bois d’origine et non dans ceux mis en oeuvre en 1999 et 2000, que ce n’était donc pas sans contradiction qu’il avait écrit et affirmé que la dégradation des garde-corps constatés en 2007, sept ans après les travaux de reprise, était la nécessaire continuité des désordres les ayant affectés en 1996 et que c’est par une juste appréciation des éléments de la cause que le tribunal a jugé que n’était pas rapportée la preuve d’une insuffisance ou d’une inefficacité des travaux financés par l’assureur dommages-ouvrage ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’il incombe à l’assureur dommages-ouvrage, tenu d’une obligation de préfinancer les travaux de nature à remédier efficacement aux désordres, de rapporter la preuve de l’absence de lien de causalité entre son intervention et le dommage, la cour d’appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il rejette la demande formée par le syndicat contre la société Allianz, l’arrêt rendu le 19 avril 2016, entre les parties, par la cour d’appel de Caen ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Rouen ;

Condamne la société Allianz IARD aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Allianz IARD et la condamne à payer au syndicat des copropriétaires de la résidence de l’Hermitage la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat aux Conseils, pour le syndicat des copropriétaires de la Résidence de l’Hermitage.

Le SDC L’Hermitage fait grief à l’arrêt attaqué de l’avoir débouté de sa demande tendant à la condamnation de la société Allianz à lui verser la somme de 606.008,33 euros ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE les travaux effectués à la suite de la première déclaration de sinistre ont consisté, en application des préconisations de l’expert de la compagnie d’assurances, à remplacer totalement (en faible quantité) ou partiellement (pour la plupart) les garde-corps des balcons ; que l’expert judiciaire retient que le bois est atteint et complètement pourri à raison de la présence d’un champignon résupiné, le « perenniporia meridionalis », dont la première description remonte à 2004, qui a été récolté en Belgique à partir de 1990 et dans l’Est de la France en 2002 ; que ce champignon provoque une pourriture fibreuse, fait perdre toute résistance mécanique aux garde-corps ; que l’expert retient également que le sinistre trouve sa source dans les bois d’origine et non dans ceux mis en oeuvre en 1999 et 2000 ; que tout en précisant ne pouvoir déterminer la date d’apparition de ce champignon dans les garde-corps en cause, il a considéré que c’était bien celui-ci ou une espèce voisine qui avait causé les premiers dégâts en 1997, tout en soulignant pourtant que cette espèce particulière n’a été répertoriée dans l’Ouest de la France qu’en 2005-2008 ; que soulignant encore que ce même champignon est originaire des forêts du centre et du Sud de la France, il s’est posé la question (restée sans réponse) de savoir si les bois mis en oeuvre lors de la construction de l’ensemble immobilier provenaient de ces forêts, tout en émettant pourtant l’hypothèse que la contamination ait pu être le résultat de la dispersion de spores par les courants d’air, dispersion favorisée par un changement climatique favorable ; qu’il a enfin relevé que lorsque la présence de ce champignon est détectée, toute réparation curative est impossible en raison d’une pourriture fibreuse très active ; que ce n’est donc pas sans contradiction qu’il a écrit et affirme que la dégradation des garde-corps constatés en 2007, sept ans après les travaux de reprises, est la nécessaire continuité des désordres les ayant affectés en 1996 ; que c’est donc par une juste appréciation des éléments de la cause que le tribunal a retenu et jugé que n’était pas rapportée la preuve d’une insuffisance ou d’une inefficacité des travaux engagés sur le rapport et à l’initiative de la compagnie d’assurances dommages-ouvrage ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU’il est dès lors impossible d’établir efficacement que ce champignon était déjà présent dans le bois des garde-corps des balcons en 1996 et que les travaux préconisés et financés à cette époque aurait dû en tenir compte en conduire à l’éradication de ce champignon ; qu’eu égard aux connaissances scientifiques actuelles, il apparaît beaucoup plus vraisemblable que les garde-corps litigieux ont été contaminés par ce champignon à une époque bien postérieure, dans les années 2005 ; qu’il s’agit donc d’un nouveau désordre qui n’a aucun lien de causalité avec les travaux financés en 2000, de sorte qu’il ne peut être retenu une quelconque inefficacité desdits travaux dont la responsabilité incomberait à l’assureur qui les a financés ;

1) ALORS QUE l’assureur dommages-ouvrage est tenu d’une obligation de résultat de préfinancer, en cas de sinistre, les travaux de nature à remédier efficacement aux désordres, dont il ne peut s’exonérer, eu égard à la présomption de faute et de causalité découlant de l’apparition d’un sinistre de même nature affectant les mêmes parties d’ouvrage, qu’en rapportant la preuve de l’absence de faute ou de lien de causalité entre son intervention et le dommage ; qu’en considérant que la preuve d’une insuffisance ou d’une inefficacité des travaux engagés sur le rapport et à l’initiative de la compagnie d’assurance dommages-ouvrage n’était pas rapportée, la cour d’appel, devant laquelle il était constant qu’en 1996 comme en 2007, un phénomène similaire de pourrissement avait affecté les garde-corps des balcons de la résidence, a indument fait peser la charge et le risque de la preuve sur le syndicat de copropriétaires et ainsi violé les articles 1147 et 1315 du code civil ;

2) ALORS QUE les motifs dubitatifs ou hypothétiques équivalent à une absence de motifs ; qu’en considérant, pour écarter la responsabilité de l’assureur, que les désordres constatés à nouveau en 2007 avaient une origine distincte de celle des désordres ayant justifié la déclaration de sinistre de 1996, en se fondant par ses motifs adoptés sur la vraisemblance de la contamination des garde-corps par le champignon perenniporia meridionalis dans les années 2005, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

3) ALORS QUE, subsidiairement, le SDC L’Hermitage, afin de justifier l’engagement de la responsabilité de l’assureur, s’est fondé, d’une part, sur les résultats d’une étude réalisée par le laboratoire scientifique EMER jointe au rapport d’expertise judiciaire révélant que si le champignon perenniporia meridionalis n’a été répertorié qu’en 2004, son existence bien plus ancienne a été dissimulée par sa ressemblance avec la mérule, et, d’autre part, sur une étude postérieure de ce même laboratoire révélant que la présence du champignon a bien été décelée dans les bois d’origine des garde-corps et ceux remplacés à compter de 1999 ; qu’en écartant la responsabilité de l’assureur sans examiner ni mentionner ces rapports dont le syndicat de copropriétaires entendait tirer la preuve d’une insuffisance de l’expertise diligentée par l’assureur qui, se bornant à imputer les désordres à la présence d’aubier, aurait dû déceler la présence du champignon et, à tout le moins, procéder à une recherche en ce sens, la cour d’appel a encore violé l’article 455 du code de procédure civile. »