L’absence d’intérêt à agir n’est pas suffisante pour rendre le recours abusif

Voilà un arrêt du Conseil d’Etat qui sera abondamment commenté, d’autant plus que le gouvernement a annoncé vouloir agir contre les recours abusifs qui paralysent les opérations de construction. Le Conseil d’Etat rend donc une décision qui va, pour ainsi, en sens inverse en permettant d’accepter des recours sans intérêt à agir…

Les explications sont ce qu’elles sont. Rien ne vaut leur lecture, mais nul doute que le droit va devoir s’adapter pour rendre effectivement comme cela est annoncé les recours plus difficiles et donc les opérations moins risquées.

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En CCMI, le délai de chantier commence à la DROC

Cela paraît évident, et pourtant les tribunaux sont parfois obligés de sanctionner les pratiques douteuses de certains pavillonneurs. En l’occurrence, il s’agit de ceux qui déposent au plus vite la DROC pour pouvoir commencer à facturer au plus tôt, et qui ne font réellement démarrer le chantier que plus tard, les entreprises n’étant pas prêtes. Les clients sont donc obligés de commencer à payer pour… rien.

Oui, mais ce que le juge vient rappeler, c’est que c’est la DROC qui sert de point 0 au délai de chantier, et non le démarrage effectif de celui-ci, ou l’OS de démarrage quand on parle des relations entre maître d’ouvrage et entreprises.

Cela est du bon sens et, pour peu que cela soit respecté, permettra aux clients d’être un peu plus protégés.

Source


La charge de la preuve pour l’assurance dommage d’ouvrages

« Vu l’article 1315, devenu 1353, du code civil ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Caen, 19 avril 2016), que la résidence de l’Hermitage est composée de bâtiments dont la réception a été prononcée le 31 octobre 1986 ; que, le 30 août 1996, le syndicat a déclaré un sinistre relatif à des désordres affectant les garde-corps en chêne des balcons à la société AGF, devenue société Allianz, assureur dommages-ouvrage, qui a notifié sa prise en charge du sinistre ; que les travaux de reprise ont été confiés à la société Menuiserie Haute et Basse Normandie (la société MHBN), assurée auprès de la société Axa, sous le contrôle de la société de coordination et d’ordonnancement (la société SCO), assurée auprès de la société Sagena ; qu’est également intervenue la société Desperrois, qui a réalisé un métré des éléments détériorés ; que les travaux ont été réceptionnés le 2 octobre 2001 ; qu’en 2007, le syndicat a adressé une nouvelle déclaration de sinistre à la société AGF, qui y a opposé la prescription de l’action ; que le syndicat a, après expertise, assigné la société Allianz en indemnisation de ses préjudices ;

Attendu que, pour rejeter cette demande, l’arrêt retient que l’expert judiciaire a retenu que le bois était atteint et complètement pourri à raison de la présence d’un champignon résupiné, le perenniporia meridionalis, dont la première description remontait à 2004, qui avait été récolté en Belgique à partir de 1990 et dans l’Est de la France en 2002 et répertorié dans l’Ouest en 2005-2008, que ce champignon faisait perdre toute résistance mécanique aux garde-corps et que le sinistre trouvait sa source dans les bois d’origine et non dans ceux mis en oeuvre en 1999 et 2000, que ce n’était donc pas sans contradiction qu’il avait écrit et affirmé que la dégradation des garde-corps constatés en 2007, sept ans après les travaux de reprise, était la nécessaire continuité des désordres les ayant affectés en 1996 et que c’est par une juste appréciation des éléments de la cause que le tribunal a jugé que n’était pas rapportée la preuve d’une insuffisance ou d’une inefficacité des travaux financés par l’assureur dommages-ouvrage ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’il incombe à l’assureur dommages-ouvrage, tenu d’une obligation de préfinancer les travaux de nature à remédier efficacement aux désordres, de rapporter la preuve de l’absence de lien de causalité entre son intervention et le dommage, la cour d’appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il rejette la demande formée par le syndicat contre la société Allianz, l’arrêt rendu le 19 avril 2016, entre les parties, par la cour d’appel de Caen ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Rouen ;

Condamne la société Allianz IARD aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Allianz IARD et la condamne à payer au syndicat des copropriétaires de la résidence de l’Hermitage la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat aux Conseils, pour le syndicat des copropriétaires de la Résidence de l’Hermitage.

Le SDC L’Hermitage fait grief à l’arrêt attaqué de l’avoir débouté de sa demande tendant à la condamnation de la société Allianz à lui verser la somme de 606.008,33 euros ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE les travaux effectués à la suite de la première déclaration de sinistre ont consisté, en application des préconisations de l’expert de la compagnie d’assurances, à remplacer totalement (en faible quantité) ou partiellement (pour la plupart) les garde-corps des balcons ; que l’expert judiciaire retient que le bois est atteint et complètement pourri à raison de la présence d’un champignon résupiné, le « perenniporia meridionalis », dont la première description remonte à 2004, qui a été récolté en Belgique à partir de 1990 et dans l’Est de la France en 2002 ; que ce champignon provoque une pourriture fibreuse, fait perdre toute résistance mécanique aux garde-corps ; que l’expert retient également que le sinistre trouve sa source dans les bois d’origine et non dans ceux mis en oeuvre en 1999 et 2000 ; que tout en précisant ne pouvoir déterminer la date d’apparition de ce champignon dans les garde-corps en cause, il a considéré que c’était bien celui-ci ou une espèce voisine qui avait causé les premiers dégâts en 1997, tout en soulignant pourtant que cette espèce particulière n’a été répertoriée dans l’Ouest de la France qu’en 2005-2008 ; que soulignant encore que ce même champignon est originaire des forêts du centre et du Sud de la France, il s’est posé la question (restée sans réponse) de savoir si les bois mis en oeuvre lors de la construction de l’ensemble immobilier provenaient de ces forêts, tout en émettant pourtant l’hypothèse que la contamination ait pu être le résultat de la dispersion de spores par les courants d’air, dispersion favorisée par un changement climatique favorable ; qu’il a enfin relevé que lorsque la présence de ce champignon est détectée, toute réparation curative est impossible en raison d’une pourriture fibreuse très active ; que ce n’est donc pas sans contradiction qu’il a écrit et affirme que la dégradation des garde-corps constatés en 2007, sept ans après les travaux de reprises, est la nécessaire continuité des désordres les ayant affectés en 1996 ; que c’est donc par une juste appréciation des éléments de la cause que le tribunal a retenu et jugé que n’était pas rapportée la preuve d’une insuffisance ou d’une inefficacité des travaux engagés sur le rapport et à l’initiative de la compagnie d’assurances dommages-ouvrage ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU’il est dès lors impossible d’établir efficacement que ce champignon était déjà présent dans le bois des garde-corps des balcons en 1996 et que les travaux préconisés et financés à cette époque aurait dû en tenir compte en conduire à l’éradication de ce champignon ; qu’eu égard aux connaissances scientifiques actuelles, il apparaît beaucoup plus vraisemblable que les garde-corps litigieux ont été contaminés par ce champignon à une époque bien postérieure, dans les années 2005 ; qu’il s’agit donc d’un nouveau désordre qui n’a aucun lien de causalité avec les travaux financés en 2000, de sorte qu’il ne peut être retenu une quelconque inefficacité desdits travaux dont la responsabilité incomberait à l’assureur qui les a financés ;

1) ALORS QUE l’assureur dommages-ouvrage est tenu d’une obligation de résultat de préfinancer, en cas de sinistre, les travaux de nature à remédier efficacement aux désordres, dont il ne peut s’exonérer, eu égard à la présomption de faute et de causalité découlant de l’apparition d’un sinistre de même nature affectant les mêmes parties d’ouvrage, qu’en rapportant la preuve de l’absence de faute ou de lien de causalité entre son intervention et le dommage ; qu’en considérant que la preuve d’une insuffisance ou d’une inefficacité des travaux engagés sur le rapport et à l’initiative de la compagnie d’assurance dommages-ouvrage n’était pas rapportée, la cour d’appel, devant laquelle il était constant qu’en 1996 comme en 2007, un phénomène similaire de pourrissement avait affecté les garde-corps des balcons de la résidence, a indument fait peser la charge et le risque de la preuve sur le syndicat de copropriétaires et ainsi violé les articles 1147 et 1315 du code civil ;

2) ALORS QUE les motifs dubitatifs ou hypothétiques équivalent à une absence de motifs ; qu’en considérant, pour écarter la responsabilité de l’assureur, que les désordres constatés à nouveau en 2007 avaient une origine distincte de celle des désordres ayant justifié la déclaration de sinistre de 1996, en se fondant par ses motifs adoptés sur la vraisemblance de la contamination des garde-corps par le champignon perenniporia meridionalis dans les années 2005, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

3) ALORS QUE, subsidiairement, le SDC L’Hermitage, afin de justifier l’engagement de la responsabilité de l’assureur, s’est fondé, d’une part, sur les résultats d’une étude réalisée par le laboratoire scientifique EMER jointe au rapport d’expertise judiciaire révélant que si le champignon perenniporia meridionalis n’a été répertorié qu’en 2004, son existence bien plus ancienne a été dissimulée par sa ressemblance avec la mérule, et, d’autre part, sur une étude postérieure de ce même laboratoire révélant que la présence du champignon a bien été décelée dans les bois d’origine des garde-corps et ceux remplacés à compter de 1999 ; qu’en écartant la responsabilité de l’assureur sans examiner ni mentionner ces rapports dont le syndicat de copropriétaires entendait tirer la preuve d’une insuffisance de l’expertise diligentée par l’assureur qui, se bornant à imputer les désordres à la présence d’aubier, aurait dû déceler la présence du champignon et, à tout le moins, procéder à une recherche en ce sens, la cour d’appel a encore violé l’article 455 du code de procédure civile. »


Limites entre maîtrise d’oeuvre et assistance à maîtrise d’ouvrage

Lorsque la mission du prestataire comprend une appréciation critique des ouvrages d’exécution proposés lors de l’appel d’offres, il s’agira d’une mission de maîtrise d’œuvre.

M. F. et Mme V. avaient fait construire une maison d’habitation sur un terrain leur appartenant, situé à Villenouvelle. Les travaux de gros œuvre et de terrassement avaient été confiés à M. G., alors que M. B., avait exécuté une mission de coordination des travaux. Après réception des travaux, des désordres sont constatés, mais l’assureur de M.B. lui dénie sa garantie au motif que sa police d’assurance ne couvre pas l’activité de maître d’œuvre.

M. F. et Mme V. décident alors de porter l’affaire devant les tribunaux. Pour obtenir la garantie de son assureur, M. B. va chercher à démontrer qu’il n’était pas maître d’œuvre, mais seulement assistant à maîtrise d’ouvrage.

Le contrat de coordination : un contrat d’assistance à maîtrise d’ouvrage ?

Pour se faire, il indique avoir conclu avec M. F. et Mme V. un contrat intitulé « contrat de coordination » avec pour mission de :

1. concernant l’appel d’offres et la mise au point des marchés

  • valider l’exécution de l’ouvrage,
  • assister le maître de l’ouvrage lors du dépouillement des offres des entreprises,
  • procéder à l’analyse de celles-ci et établir les rapports,
  • mettre au point les pièces constitutives du marché des travaux en vue de sa signature par les entreprises

2. concernant la coordination et la comptabilité des travaux

  • diriger les réunions de chantier et en rédiger les comptes rendus,
  • vérifier l’avancement des travaux et leur conformité avec les pièces du marché,
  • vérifier les situations et les décomptes mensuels des entreprises dans un délai de 5 jours à compter de leur réception et établir les propositions de paiement suivant le CCAG,
  • vérifier les mémoires établis par les entreprises dans un délai de 20 jours à compter de leur réception, établir le décompte définitif des travaux et proposer le règlement pour soldes,

3. concernant la réception des ouvrages

  • assister le maître de l’ouvrage pour la réception des ouvrages

Il ne saurait donc, selon M.B., s’agir d’autre chose que d’un contrat d’assistance à maîtrise d’ouvrage.

La validation de l’exécution de l’ouvrage : une mission de maître d’œuvre !

Mais cette démonstration ne va pas emporter la conviction des juges de la Cour d’appel de Toulouse. Ceux-ci, dans un arrêt du 31 janvier 2018, constatent en effet que le contrat signé comprend une mission spécifique de validation de « l’exécution de l’ouvrage », notion qui renvoie à une appréciation critique des ouvrages d’exécution proposés par les entreprises participant à l’appel d’offres.

Par conséquent, les juges estiment qu’au-delà de la coordination et du contrôle des travaux, M. B. a rempli une mission de maîtrise d’œuvre de conception, consistant à apporter assistance et conseil au moment de la conception de l’ouvrage, et à vérifier l’avancement des travaux jusqu’à la réception de l’ouvrage.

Cour d’appel de Toulouse, 31 janvier 2018

Source : batirama.com / Damien Aymard


L’AMO peut aussi être appelé en garantie décennale, même s’il n’est pas à l’origine des désordres

ll ressort de la récente jurisprudence ci-après que l’AMO peut être mis en cause au titre de la garantie décennale, même s’il n’est pas à l’origine des désordres.

Bon… Aedificem ayant également une activité de maîtrise d’oeuvre, elle a aussi une assurance décennale, donc on est couverts. Reste que les taux d’assurance pour de l’AMO et de la maîtrise d’oeuvre ne sont pas du tout les mêmes !


TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE LYON
N° 1207293
Audience du 9 mars 2017
Lecture du 23 mars 2017

Le tribunal administratif de Lyon (3ème chambre)
Vu la procédure suivante :
Par une requête enregistrée le 30 octobre 2012 et des mémoires enregistrés les
22 décembre 2014, 19 septembre 2016, 13 décembre 2016 et 16 février 2017, la communauté
urbaine Saint-Etienne Métropole, représentée par Me Neveu, demande au tribunal, dans le
dernier état de ses écritures :
1°) à titre principal, de condamner in solidum la société Artelia Ville et Transport, la
société FMI Process et la société stéphanoise de services publics à lui verser une somme de
480 952 euros hors taxes correspondant au coût des travaux de remise en état de l’unité de
valorisation thermique des boues du Porchon dont un des fours a explosé le 23 avril 2010, ainsi
qu’une somme de 1 508 629 euros hors taxes correspondant aux surcoûts d’exploitation
engendrés par la mise à l’arrêt de l’ouvrage en conséquence de l’explosion, et à titre subsidiaire
de condamner individuellement ces mêmes sociétés à lui verser ces sommes ;
2°) d’assortir la condamnation des intérêts au taux légal et de leur capitalisation ;
3°) de mettre à la charge de la société Artelia Ville et Transport, de la
société FMI Process et de la société stéphanoise de services publics la somme de 4 000 euros par
application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :
– les désordres causés par l’explosion du four sont de nature décennale ;
N° 1207293 2
– la responsabilité de la société FMI et de la société Artelia Ville et Transport doit être
engagée à ce titre ;
– le régime des éléments d’équipements professionnels issu de l’article 1792-7 du code
civil n’est pas applicable ;
– subsidiairement, la responsabilité de ces deux sociétés doit être engagée sur un
fondement contractuel ;
– la responsabilité contractuelle de la société stéphanoise de services publics doit
également être engagée, compte tenu des divers manquements à l’origine de l’accident qui lui
sont imputables ;
– la responsabilité quasi-délictuelle de la société stéphanoise de services publics doit
être subsidiairement engagée, eu égard aux graves négligences qui lui sont imputables ;
– elle a droit d’obtenir l’indemnisation du préjudice résultant de la nécessité de procéder
à l’évacuation des boues à traiter à l’extérieur du site pour un montant de 1 508 629 euros hors
taxes arrêté au 30 novembre 2014 ;
– elle est également fondée à réclamer une somme de 480 952 euros hors taxes
correspondant au coût de réfection et de remise en route des installations.
Par un mémoire en défense enregistré le 27 février 2013 et des mémoires enregistrés les
13 octobre, 15 décembre, 30 décembre 2016 et 17 février 2017, la société Artelia Ville et
Transport conclut à titre principal, à ce qu’une nouvelle expertise soit ordonnée, à titre
subsidiaire à ce qu’un complément d’expertise soit ordonné, à titre infiniment subsidiaire à sa
mise hors de cause, à titre très infiniment subsidiaire à ce que la société FMI Process,
la société stéphanoise de services publics, la société Stereau, la direction régionale de
l’environnement, de l’aménagement et du logement Auvergne-Rhône-Alpes et l’État représenté
par le préfet de la Loire soient condamnés à la garantir de la condamnation prononcée à son
encontre. Elle demande enfin au tribunal de mettre à la charge de la communauté urbaine
Saint-Etienne Métropole la somme de 5 000 euros par application de l’article L. 761-1 du code
de justice administrative.
Elle soutient que :
– à titre principal, le rapport de l’expert remis en mai 2012 a été rendu au terme
d’opérations d’expertise ayant méconnu le principe du contradictoire ;
– l’expert ayant de plus outrepassé sa compétence en portant des appréciations d’ordre
juridique, le rapport devra être déclaré nul ;
– en conséquence, une nouvelle expertise devra être ordonnée ;
– à titre subsidiaire, elle devra être mise hors de cause, dès lors que les désordres ne lui
sont pas imputables ;
– Saint-Etienne Métropole et l’Etat, conducteur d’opération, ont commis des fautes de
nature à l’exonérer de sa responsabilité ;
– à titre infiniment subsidiaire, les sommes réclamées en réparation des préjudices ne
sont pas justifiées ;
– si une condamnation devait être prononcée à son encontre, la société FMI Process, la
société stéphanoise de services publics, la société Stereau et l’Etat devraient la garantir ;
– il découle en effet du contrat de conduite d’opération conclu entre l’Etat, alors
représenté par la direction départementale de l’équipement de la Loire et la commune de
Saint-Etienne que tout manquement qui pourrait lui être reproché dans l’exécution de ses
missions visa des études d’exécution et de synthèse, direction de l’exécution des contrats de
travaux ou encore assistance apportée au maître de l’ouvrage lors des opérations de réception
serait tout autant imputable à l’Etat en sa qualité de conducteur d’opération ;
N° 1207293 3
– la direction départementale de l’équipement de la Loire, aujourd’hui représentée par
la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement
Auvergne-Rhône-Alpes, a au surplus joué un rôle prépondérant dans la mise en service de
l’installation puisqu’en sa qualité de service instructeur de la préfecture, elle était en charge de la
délivrance de l’autorisation d’exploiter l’unité de valorisation thermique des boues, qui est une
installation classée pour la protection de l’environnement ;
– le 4 avril 2007, la préfète de la Loire a effectivement autorisé l’exploitation de l’unité
de valorisation thermique au titre de l’article L. 512-1 du code de l’environnement.
Par un mémoire en défense enregistré le 24 mai 2013 et des mémoires enregistrés les
7 avril 2014, 13 mai 2016 et 14 octobre 2016, la société FMI Process conclut à titre principal à
ce qu’une nouvelle expertise soit ordonnée, à titre subsidiaire à ce qu’un complément d’expertise
soit ordonné, à titre infiniment subsidiaire au rejet de la requête, et à titre très infiniment
subsidiaire à ce que la société Artelia Ville et Transport, la société stéphanoise de services
publics et la société Stereau la garantissent de la condamnation prononcée à son encontre. Elle
demande enfin que soit mise à la charge de la communauté urbaine Saint-Etienne Métropole la
somme de 13 000 euros par application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :
– les opérations d’expertise ayant conduit à la remise du rapport en mai 2012 se sont
déroulées en violation du principe du contradictoire, et à charge contre elle ;
– une nouvelle expertise, ou à tout le moins un complément d’expertise, doit être
ordonné ;
– les manquements qui lui sont reprochés dans le rapport de l’expert ne sont pas établis,
de sorte que les dommages ne lui sont pas imputables ;
– elle n’a jamais détenu de brevet sur l’automate de programmation, contrairement à ce
que l’expert a relevé dans le cadre de la première expertise ;
– les désordres ne sont pas de nature décennale ;
– le régime des éléments d’équipements professionnels issu de l’article 1792-7 du code
civil a vocation à s’appliquer en l’espèce, de sorte que sa responsabilité décennale ne peut être
recherchée ;
– sa responsabilité contractuelle ne saurait davantage être recherchée, dès lors que les
travaux ont été réceptionnés, et que les réserves ont été levées ;
– elle n’a en tout état de cause commis aucune faute contractuelle de nature à engager sa
responsabilité ;
– si sa responsabilité devait être recherchée du fait de l’absence de formation du
personnel exploitant l’unité de valorisation thermique, il devrait être relevé que la faute du maître
d’ouvrage, consistant en la désignation tardive de l’exploitant, est de nature à l’exonérer de sa
responsabilité à ce titre ;
– la société Artelia Ville et Transport n’est pas fondée à soutenir que les désordres ne
lui sont aucunement imputables ;
– la société stéphanoise de services publics est exclusivement à l’origine des désordres ;
– la requérante ne justifie pas des surcoûts inhérents à l’évacuation et au traitement des
boues pour le premier trimestre de l’année 2012, et détient en tout état de cause une part de
responsabilité de l’étendue de ce préjudice ;
– la société Stereau est responsable de la survenance du dommage résultant des
déformations affectant des équipements constitutifs des deux lignes de l’unité de valorisation
thermique de la station d’épuration.
N° 1207293 4
Par un mémoire en défense enregistré le 23 mai 2014 et un mémoire enregistré le
14 octobre 2016, la société stéphanoise de services publics conclut au rejet de la requête et à ce
que soit mise à la charge de la communauté urbaine Saint-Etienne Métropole la somme de
2 000 euros par application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
– aucune faute à l’origine du dommage ne peut lui être reprochée ;
– sa responsabilité ne saurait par conséquent être recherchée ;
– seule la société FMI Process est à l’origine du dommage ;
– elle n’a pas la qualité de constructeur, de sorte qu’aucune condamnation solidaire ne
pourra être prononcée à son encontre au titre de la garantie décennale ;
– les sommes réclamées par la communauté d’agglomération Saint-Etienne Métropole
ne sont pas entièrement justifiées.
Par un mémoire en défense enregistré le 14 octobre 2016, la société Stereau conclut à
sa mise hors de cause, à ce que la société FMI Process soit condamnée à lui verser une somme de
10 000 euros en réparation du préjudice causé du fait du recours abusif initié à son encontre, et à
ce que soit mise à la charge de cette société les dépens de l’instance, ainsi qu’une somme de
5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
– elle n’a aucune responsabilité dans la survenance de l’explosion ;
– la société FMI Process devra l’indemniser du préjudice que lui a causé le recours
abusif initié à son encontre.
Par un mémoire enregistré le 15 décembre 2016, la direction régionale de
l’environnement, de l’aménagement et du logement Auvergne-Rhône-Alpes conclut à sa mise
hors de cause.
Elle soutient que l’appel en garantie formé à son encontre est mal dirigé.
Par un mémoire en défense enregistré le 19 décembre 2016 et un mémoire enregistré le
24 février 2017, le préfet de la Loire conclut à titre principal à sa mise hors de cause, et à titre
subsidiaire à ce que la société FMI Process, la société Artélia Ville et Transport et la
société stéphanoise de services publics le garantissent de la condamnation prononcée à son
encontre.
Il soutient que :
– il ne peut pas être mis en cause en sa qualité de service instructeur dans le cadre de la
délivrance de l’autorisation d’exploiter l’unité de valorisation thermique, en l’absence de toute
faute ;
– les conclusions présentées à cette fin ne sont en tout état de cause pas recevables,
dès lors d’une part qu’elles soulèvent un litige distinct et, d’autre part qu’elles sont tardives,
l’autorisation d’exploiter l’unité de valorisation thermique ayant été délivrée par un arrêté du
4 février 2007 devenu définitif ;
– les conclusions d’appel en garantie formées contre l’Etat en sa qualité de conducteur
d’opération sont vouées au rejet, aucune faute n’étant démontrée.
N° 1207293 5
Vu :
– les autres pièces du dossier ;
– l’ordonnance du 23 mai 2012, par laquelle le président du tribunal a taxé les frais de
l’expertise réalisée par M. P…, ordonnée dans l’instance n° 1003112.
Vu :
– le code civil ;
– l’ordonnance n° 2005-658 du 8 juin 2005 ;
– la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses
rapports avec la maîtrise d’œuvre privée ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été averties du jour de l’audience du 5 janvier 2017.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Allais, conseillère,
– les conclusions de M. Arnould, rapporteur public,
– les observations de Me Neveu, avocat de la communauté urbaine Saint-Etienne
Métropole, de Me Moullé, avocat de la société FMI Process, de Me Laurent, avocat de la
société Artelia Ville et Transport, et de Me Desmurs, avocat de la société Stereau.
Une note en délibéré présentée par le préfet de la région Auvergne-Rhône-alpes a été
enregistrée le 9 janvier 2017, et communiquée.
Le préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes conclut dans cette note en délibéré au
rejet des conclusions dirigées à son encontre.
Il soutient que :
– il n’a pas reçu communication de la procédure et n’a pas été convoqué à l’audience ;
– le sens des conclusions du rapporteur public a été renseigné de manière incorrecte ;
– sur le fond, il s’en rapporte au mémoire du préfet de la Loire.
La clôture de l’instruction est intervenue le 24 février 2017.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de la nouvelle audience du
9 mars 2017.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Allais, conseillère,
– les conclusions de M. Arnould, rapporteur public,
– les observations de Me Neveu, avocat de la communauté urbaine Saint-Etienne
Métropole, de Me Moullé, avocat de la société FMI Process, de Me Laurent, avocat de la
société Artelia Ville et Transport, de Me Barthelemy, avocate de la société Stereau, et de
Mme A…, représentant le préfet de la Loire.
N° 1207293 6
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Saint-Etienne, à laquelle s’est substituée, pour la compétence
assainissement, la communauté d’agglomération Saint-Etienne Métropole le 1er janvier 2011
puis la communauté urbaine Saint-Etienne Métropole le 1er janvier 2016, a réalisé sous sa
maîtrise d’ouvrage la réhabilitation complète de la station d’épuration du Porchon sur le territoire
des communes de Villars et de la Fouillouse, et la création d’une unité de valorisation thermique
des boues. Elle a confié la maîtrise d’œuvre des travaux à un groupement solidaire composé des
sociétés Sogreah, DHA et Girard et Bayle par un acte d’engagement du 23 avril 2003,
la conception, la construction et l’installation de l’unité de valorisation thermique à la
société FMI Process par un acte d’engagement du 28 décembre 2005, et l’exploitation de cette
unité de valorisation thermique à la société stéphanoise de services publics, par un marché public
de prestation de services du 28 mai 2009. La commune de Saint-Etienne avait également conclu,
le 3 août 2001, pour sa réalisation, un contrat de conduite d’opération avec la direction
départementale de l’équipement de la Loire.
2. L’unité de valorisation thermique a été mise en service le 4 juillet 2008, et la
réception des travaux a été prononcée, avec des réserves, le 7 décembre 2009 avec effet au
30 avril 2009, à l’issue d’une période d’observation.
3. Le 23 avril 2010, le four n° 2 de l’unité de valorisation thermique a explosé.
Après avoir ordonné, le 10 mai 2010, un constat à l’effet de dresser un état descriptif des
installations, le tribunal administratif a, à la demande de la communauté d’agglomération
Saint-Etienne Métropole, ordonné dans l’instance n° 1003112 une expertise et désigné M. P…
aux fins de rechercher tous les éléments relatifs aux causes et aux conséquences de l’explosion.
Ce rapport a été remis au tribunal le 15 mai 2012. Une nouvelle expertise a été ordonnée par le
tribunal, par une ordonnance n° 1205395 en date du 16 novembre 2012, à la demande de la
communauté d’agglomération Saint-Etienne Métropole, aux fins de rechercher tous les éléments
relatifs aux causes et aux conséquences de déformations affectant les équipements constitutifs
des deux lignes de l’unité de valorisation thermique de la station d’épuration. Ces déformations
avaient été révélées par le premier rapport d’expertise, sans que l’expert ne se soit toutefois
prononcé, notamment, sur la possibilité de réutiliser ces équipements dans le cadre de la remise
en service de l’installation. M. P… a remis le second rapport d’expertise au tribunal le 16 février
2016.
4. Par la présente requête, la communauté urbaine Saint-Etienne Métropole demande au
tribunal de condamner la société Artelia Ville et Transport, la société FMI Process et la
société stéphanoise de services publics à l’indemniser des préjudices qu’elle a subis en
conséquence de l’explosion du four de la ligne n° 2 de l’unité de valorisation thermique.
Sur la régularité des opérations d’expertise :
5. Les sociétés Artelia Ville et Transport et FMI Process ne contestent pas utilement la
régularité des opérations d’expertise en se bornant, sans l’établir, à faire valoir en particulier
qu’elles seraient intervenues en violation du principe du contradictoire, que l’expert aurait porté
des appréciations d’ordre juridique et mené ses investigations à charge, ou encore que ce dernier
n’a pas précisément, notamment par un chiffrage, évalué leur part de responsabilité dans la
survenance du sinistre. Ainsi, et alors, au demeurant, que le rapport de l’expert P…, remis au
tribunal en mai 2012, a été soumis au contradictoire dans le cadre de la présente instance et
N° 1207293 7
longuement discuté, les sociétés Artelia Ville et Transport et FMI Process ne sont pas fondées à
contester la régularité des opérations d’expertise. Il n’apparaît dès lors pas utile de faire droit à la
demande tendant à ce qu’une nouvelle expertise, ou un complément d’expertise soit ordonné.
Sur les conclusions à fin de condamnation :
En ce qui concerne la responsabilité des sociétés Artelia Ville et Transport et
FMI Process :
6. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des
désordres apparus dans le délai d’épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de
l’ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur
responsabilité.
S’agissant du principe de la garantie décennale :
7. La garantie décennale bénéficie tant aux ouvrages de bâtiment qu’aux ouvrages de
génie civil et à leurs équipements, s’ils rendent l’ouvrage impropre à sa destination.
En premier lieu, la société FMI Process invoque les dispositions de l’article 1792-7 du code civil
dans sa rédaction résultant de l’ordonnance du 8 juin 2005, entrée en vigueur le lendemain, soit
avant la conclusion du contrat qu’elle a passé avec la commune de Saint-Etienne. Aux termes de
ces dispositions : « Ne sont pas considérés comme des éléments d’équipements d’un ouvrage au
sens des articles 1792, 1792-2, 1792-3 et 1792-4 les éléments d’équipements, y compris leurs
accessoires, dont la fonction exclusive est de permettre l’exercice d’une activité professionnelle
dans l’ouvrage ».
8. Il résulte de l’instruction que l’unité de valorisation thermique est destinée à recevoir
les boues produites par la station d’épuration située sur un site adjacent, afin de les brûler.
Elle est constituée de deux lignes identiques, L1 et L2, avec pour chacune un four de combustion
des boues, un échangeur qui récupère la chaleur de combustion, un refroidisseur et un filtre par
lesquels ces gaz sont traités avant leur évacuation dans l’atmosphère. Chaque four est une
installation chaudronnée en acier inoxydable réfractaire de trois mètres de diamètre et d’une
hauteur d’environ huit mètres. Il est constitué d’une chambre de combustion où sont injectées et
incinérées les boues sèches et d’une chambre de postcombustion équipée de deux brûleurs
alimentés en gaz naturel où sont brûlés les gaz de combustion. Le fond du four est constitué d’un
lit de sable fluidisé par l’injection d’air réchauffé. L’unité de valorisation thermique est gérée par
un automate programmé et les paramètres de fonctionnement sont enregistrés par un PC de
supervision. Ce dernier est en communication permanente avec l’automate programmable du
four qui assure le pilotage physique des équipements. Les moteurs, vannes et les brûleurs sont
également en lien permanent avec l’automate de programmation.
9. Compte tenu de sa destination et de sa composition, dont les caractéristiques sont
décrites au point précédent, le four de la ligne n° 2 constitue un élément indispensable au
fonctionnement de l’unité de valorisation thermique des boues en provenance de la station
d’épuration et constitutif de cet ouvrage. Il ne saurait, par suite, être qualifié d’élément
d’équipement. Il en résulte que la société FMI Process n’est pas fondée à invoquer le principe
dont s’inspirent les dispositions de l’article 1792-7 du code civil excluant du champ
d’application des garanties auxquelles font référence les articles 1792 à 1792-4 du code civil les
éléments d’équipement dont la fonction exclusive est de permettre l’exercice d’une activité
professionnelle dans l’ouvrage.
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10. En deuxième lieu, il résulte de l’instruction que l’explosion du four a conduit à la
suspension de l’incinération des boues sur les lignes 1 et 2 de l’unité de valorisation thermique,
par arrêté du préfet de la Loire en date du 10 mai 2010. Les désordres ont ainsi rendu l’ouvrage
impropre à sa destination.
11. Enfin, il résulte de l’instruction que les réserves qui assortissaient la réception de
l’ouvrage étaient sans lien avec la survenance de l’explosion.
12. Il résulte de ce qui précède que les désordres dont la réparation est demandée par
Saint-Etienne Métropole présentent un caractère décennal.
S’agissant de l’imputabilité des désordres :
13. Il ressort du rapport de l’expert que la cause de l’explosion du four n° 2 consiste en
la possibilité offerte par le système d’introduire dans le four un mélange gazeux inflammable
porté à une température de 300 à 400° alors que les brûleurs sont éteints et qu’ils peuvent être
rallumés en acquittant simplement un défaut. L’expert a qualifié cette cause de grave
dysfonctionnement de l’automate, et conclu qu’une erreur de programmation de ce dernier est
principalement à l’origine de l’explosion. L’expert a également relevé que l’étude fonctionnelle
établie par la société FMI Process et visée par la société Sogreah, aux droits de laquelle vient la
société Artelia Ville et Transport, était insuffisante et n’avait pas été réalisée dans les règles de
l’art, que l’étude de sécurité qui aurait dû être établie par la société FMI Process et visée par la
société Sogreah n’a pas été réalisée, que les tests de réception de pilotage du four n’ont pas été
menés par la société FMI Process et par la société Sogreah de manière structurée et complète et
qu’aucun dossier de recette n’a été tenu à jour par cette dernière, que la procédure de conduite
des fours établie par la société FMI Process n’a pas été réalisée dans son intégralité et que la
société Sogreah n’a pas décelé cette lacune, et, enfin, que la société stéphanoise de services
publics a accepté d’exploiter l’unité de valorisation thermique avec des procédures en
conséquence incomplètes et pour certaines opaques, et ce avec du personnel insuffisamment
formé.
14. En premier lieu, la société FMI Process est intervenue en qualité de concepteur, de
constructeur et d’installateur du four, les documents contractuels du marché de construction de
l’unité de valorisation thermique comprenant une phase d’études de conception, une phase
d’études d’exécution, et une phase de travaux. Les désordres lui sont par suite imputables.
15. En second lieu, il résulte de l’instruction que le marché de maîtrise d’œuvre
prévoyait l’exécution des missions suivantes : diagnostics et études préliminaires, avant projet,
appels d’offres, visa des études d’exécution et de synthèse, direction de l’exécution des marchés
de travaux, ordonnancement, pilotage et coordination, assistance aux opérations de réceptions, et
enfin permis de construire et élaboration des dossiers d’installations classées. En ce qui concerne
spécifiquement la mission « visa », le chapitre 8.7.1 du cahier des clauses techniques
particulières précise que le maître d’œuvre est chargé de viser les documents produits par les
entreprises titulaires des marchés, et fait référence, notamment, aux manuels opératoires, au
guide d’exploitation et au guide des procédures de sécurité. Le chapitre 8.1.3 de l’annexe 3.1 de
ce même cahier des clauses techniques particulières liste quant à lui les documents que la
société FMI Process devait remettre au maître d’œuvre, tels que le dossier d’analyse
fonctionnelle, les spécifications techniques de l’unité centrale de traitement, les logiciels du
système d’exploitation ou encore les procédures de conduite de l’installation.

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16. La société Artelia Ville et Transport expose tout d’abord que, compte tenu de leur
confidentialité, elle n’a jamais disposé du programme automate dont le dysfonctionnement est à
l’origine de l’explosion, pas plus que des plans d’exécution de l’ouvrage. Elle ajoute que quand
bien même elle en aurait disposé, elle n’aurait pas été en mesure de déceler une anomalie compte
tenu des compétences techniques requises. Sa mission « visa » aurait ainsi été limitée au contrôle
de la seule conformité aux éléments essentiels du projet, à savoir la détection des anomalies
normalement décelables par un homme de l’art. Toutefois, une telle limitation de sa mission
« visa » ne ressortant pas des documents contractuels, les désordres dont il est demandé
réparation doivent être regardés comme étant également imputables à la société Artelia Ville et
Transport, maître d’œuvre de l’opération.
17. Il résulte de ce qui précède que l’explosion du four n° 2 de l’unité de valorisation
thermique est imputable à la société FMI Process et à la société Sogreah, aux droits de laquelle
vient la société Artelia Ville et Transport. La communauté urbaine Saint-Etienne Métropole est
en conséquence fondée à rechercher leur responsabilité décennale.
S’agissant des causes exonératoires de responsabilité :
18. En premier lieu, la société Artelia Ville et Transport et la société FMI Process
exposent que le maître d’ouvrage a commis une faute de nature à les exonérer de leur
responsabilité, dès lors que ce dernier aurait désigné tardivement le personnel exploitant de
l’unité de valorisation thermique, la société stéphanoise de services publics. Si l’expert a relevé
que le personnel de cette société a été insuffisamment formé, il ne résulte toutefois pas de
l’instruction que cette lacune aurait joué un rôle dans la survenance des désordres.
Dans ces conditions, la faute invoquée, à la supposer avérée, n’est pas de nature à exonérer les
constructeurs de leur responsabilité engagée sur un fondement décennal.
19. En second lieu, les constructeurs ne peuvent être exonérés de leur responsabilité
décennale qu’en cas de force majeure ou de faute du maître de l’ouvrage. C’est donc en vain que
la société Artelia Ville et Transport expose, pour remettre en cause sa part d’imputabilité dans la
survenance des désordres, que l’Etat, représenté par la direction régionale de l’environnement, de
l’aménagement et du logement, a commis des fautes.
En ce qui concerne la responsabilité de la société stéphanoise de services publics :
20. Il résulte de l’instruction que la société stéphanoise de services publics, exploitant
de l’unité de valorisation thermique, a été mise en cause par l’expert pour avoir accepté
d’exploiter cette unité avec des procédures incomplètes, dont certaines sont qualifiées d’opaques,
et avec du personnel insuffisamment formé. Toutefois, il ressort également des conclusions du
rapport de l’expert, déjà citées, que la cause des désordres réside dans une erreur de
programmation, imputable à la société FMI Process et à la société Artelia Ville et Transport, en
leur qualité de constructeur. Si l’action d’un agent de la société stéphanoise de services publics a
provoqué l’explosion du four le 23 avril 2010, cette intervention a été l’élément déclencheur de
l’accident, et non sa cause. Il ne résulte en outre pas de l’instruction qu’une formation et des
procédures complètes à disposition du personnel exploitant aurait permis, compte tenu de
l’erreur de programmation préexistante, d’éviter la survenance du dommage. La communauté
urbaine Saint-Etienne Métropole n’est dès lors pas fondée à rechercher la responsabilité de la
société stéphanoise de services publics, sur quelque fondement que ce soit.
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En ce qui concerne les préjudices :
21. Il résulte de l’instruction, et en particulier du rapport d’expertise ordonnée dans
l’instance n° 1205395 remis le 16 février 2016 au tribunal que les préjudices consécutifs à
l’explosion du four n°2 de l’unité de valorisation thermique des boues consistent, d’une part, en
des travaux de remise en état, et, d’autre part, en des surcoûts d’exploitation, le maître d’ouvrage
ayant dû faire procéder à l’évacuation des boues pendant une certaine période.
22. S’agissant en premier lieu des travaux de remise en état, ceux-ci consistent, selon
l’expert, en la réalisation des prestations et travaux suivants :
– établissement d’une procédure de mesure en continu de la siccité des boues en sortie
de centrifugeuse et avant leur incinération ;
– détermination par FMI d’un seuil au dessous duquel les boues ne peuvent être
incinérées sans mettre en danger l’installation ;
– établissement d’un dossier d’analyse des risques et d’un dossier d’analyse
fonctionnelle ;
– modification de la programmation de l’automate et de la chaîne de sécurité ;
– vérification par un organisme extérieur de la conception du système d’exploitation ;
– réfection des échangeurs L1 et L2, la réfection des fours L1 et L2 avec remplacement
du compensateur de dilatation du four L2, le remplacement du carneau de liaison four /
échangeur L2, le remplacement de tous les composants chaudronnés déformés, la pose de
l’isolation sur les chambres de postcombustion et sur les cloches des échangeurs L1 et L2 ;
– contrôle de la réfection éventuelle des équipements périphériques ;
– remplacement des équipements et tuyauteries de distribution de gaz fluidisé et gaz
brûleurs ;
– la mise en service et essais de réception de l’installation en s’appuyant sur un cahier de
recette ayant eu l’approbation du maître d’ouvrage.
23. La réalisation de ces prestations et travaux, dont l’utilité n’est pas contestée, a été
chiffrée par l’expert à la somme de 480 952 euros hors taxes. Ce montant n’étant pas
sérieusement contesté par les sociétés défenderesses, il y a lieu de fixer à ce montant l’indemnité
due à ce titre.
24. S’agissant en second lieu des surcoûts d’exploitation, il résulte de l’instruction qu’à
la suite de l’explosion du four n° 2, le préfet de la Loire a suspendu l’incinération des boues
effectuée sur la ligne n° 1 de l’unité de valorisation thermique par arrêté du 6 mai 2010.
La commune de Saint-Etienne a alors décidé de procéder à l’évacuation des boues à traiter tout
d’abord en émettant des bons de commande auprès de la société SGEF du 23 avril 2010 au
31 décembre 2010, puis, du 1er janvier 2011 au 31 juillet 2011, par exécution d’un protocole
transactionnel conclu avec la société SEDE, et, à partir du 1er août 2011, par exécution d’un
marché de prestations de services conclu avec la société SEDE au terme d’une procédure d’appel
d’offres. Dans son rapport remis le 16 février 2016, l’expert a chiffré les surcoûts d’exploitation
de l’unité de valorisation thermique imputables à l’explosion du four n° 2 à la somme de
1 508 629 euros hors taxes, correspondant à 32 mois d’inactivité de l’unité de valorisation
thermique. Il y a lieu pour le tribunal de retenir ce montant, qui n’est pas sérieusement contesté
par les sociétés défenderesses qui se bornent à exposer qu’une partie du préjudice ainsi invoqué
est imputable à la communauté urbaine Saint-Etienne Métropole entre le 23 avril 2010 et le
31 décembre 2010 compte tenu du coût élevé d’évacuation des boues par litre par la
société SGEF durant cette période.
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25. Il résulte de ce qui précède que la société FMI Process et la société Artelia Ville et
Transport doivent être condamnées in solidum à payer à la communauté urbaine Saint-Etienne
Métropole la somme totale de 1 989 581 euros. A ce montant, hors taxes, doit s’ajouter la taxe
sur la valeur ajoutée, pour un montant total non récupéré par Saint-Etienne Métropole de
84 144,68 euros. La somme au paiement de laquelle la société FMI Process et la
société Artelia Ville et Transport doivent être condamnées s’élève donc au montant toute taxes
comprises de 2 073 725,68 euros.
Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :
26. La communauté urbaine Saint-Etienne Métropole a droit aux intérêts de la somme
de 2 073 725,68 euros à compter du 30 octobre 2012, date d’enregistrement de sa requête au
greffe du tribunal.
27. La capitalisation des intérêts a été demandée le 19 septembre 2016. A cette date, il
était dû au moins une année d’intérêts. Dès lors, conformément aux dispositions de l’article 1154
du code civil, il y a lieu de faire droit à la demande de capitalisation des intérêts.
Sur les appels en garantie :
En ce qui concerne les appels en garantie réciproques de la société FMI Process et de la
société Artelia Ville et Transport :
28. Il résulte de l’instruction que l’explosion du four n° 2 de l’unité de valorisation
thermique résulte principalement d’une erreur de programmation imputable à la
société FMI Process, concepteur et constructeur du four, et que cette erreur n’a pas été décelée
par la société Artelia Ville et Transport, à qui la mission visa des études d’exécution avait
pourtant été confiée. Compte tenu en particulier de la spécificité technique de l’ouvrage et de la
nature de la faute commise par la société FMI Process, il y a lieu, dans les circonstances de
l’espèce, de condamner cette dernière à garantir la société Artelia Ville et Transport à hauteur de
80 % de la condamnation prononcée à son encontre par le présent jugement.
Cette dernière supportera 20 % de cette condamnation.
En ce qui concerne les appels en garantie réciproques de l’Etat et de la société Artelia
Ville et Transport :
29. La société Artelia Ville et Transport fait en premier lieu valoir que l’Etat a commis
des fautes dans l’exercice de sa mission de police de l’environnement, puisque le préfet de la
Loire a, par un arrêté du 4 avril 2007, autorisé l’exploitation de l’unité de valorisation thermique
des boues au titre de l’article L. 512-1 du code de l’environnement. Les conclusions d’appel en
garantie présentées sur ce fondement ne sont toutefois pas susceptibles de prospérer, dès lors que
la société Artelia Ville et Transport n’identifie précisément aucune faute des services de l’Etat.
L’appel en garantie de l’Etat présenté sur ce fondement doit être rejeté, sans qu’il soit nécessaire
de statuer sur la recevabilité de ces conclusions.
30. En second lieu, en revanche, il résulte du contrat conclu le 3 août 2001 entre la
commune de Saint-Etienne et le préfet de la Loire que la direction départementale de
l’équipement a prêté son concours pour exercer la mission de conduite d’opération définie à
l’article 6 de la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports
avec la maîtrise d’œuvre privée. Cette mission a consisté, notamment, en un suivi des études
comprenant, selon l’annexe au contrat définissant les missions de conducteur d’opération,
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l’animation et le suivi du travail du concepteur titulaire du marché d’études, en ce qui concerne
l’établissement des documents prévus au marché, la vérification que le concepteur assure la
transmission des différentes études au contrôleur technique et au coordonateur de sécurité pour
avis, ou encore un avis sur les documents prévus au marché. Il sera dans ces conditions fait une
juste appréciation de la part de responsabilité de l’Etat dans la survenance du dommage, en le
condamnant à garantir la société Artelia Ville et Transport de la condamnation prononcée à son
encontre à hauteur de 50 %.
En ce qui concerne l’appel en garantie présenté par l’Etat, dirigé contre la
société FMI Process :
31. Si, dans le dernier état de ses écritures, le préfet de la Loire appelle en garantie la
société FMI Process, il ne précise toutefois pas quelle faute il entend reprocher à cette société, et
qui justifierait une telle garantie. Ces conclusions doivent par conséquent être rejetées.
En ce qui concerne l’appel en garantie dirigé contre la société stéphanoise de services
publics :
32. Il ne résulte pas de l’instruction que la société stéphanoise de service publics aurait
commis une faute à l’origine du dommage. Les conclusions d’appel en garantie dirigées à son
encontre doivent par suite être rejetées.
En ce qui concerne l’appel en garantie dirigé contre la société Stereau :
33. Il ne résulte pas de l’instruction que la société Stereau, qui est intervenue dans la
réhabilitation de la station d’épuration et son exploitation, aurait commis une faute à l’origine de
l’explosion du four de l’unité de valorisation thermique. Les conclusions d’appel en garantie
dirigées à son encontre doivent par suite être également rejetées.
Sur les conclusions de la société Stereau tendant à l’indemnisation du préjudice
qu’elle a subi du fait du recours abusif introduit à son encontre par la
société FMI Process :
34. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de condamner la
société FMI Process à indemniser la société Stereau du préjudice que cette dernière prétend avoir
subi du fait du recours introduit à son encontre.
Sur les frais d’expertise :
35. Les frais de l’expertise de M. P… ordonnée dans l’instance n° 1003112 taxés et
liquidés par l’ordonnance du président du tribunal du 23 mai 2012 à la somme de 157 738 euros
toutes taxes comprises doivent être mis à la charge solidaire de la société FMI Process et de la
société Artelia Ville et Transport.
Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice
administrative :
36. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la
société FMI Process et de la société Artelia Ville et Transport la somme de 1 500 euros à verser à
la communauté urbaine Saint-Etienne Métropole, par application des dispositions de
l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
N° 1207293 13
37. Les conclusions présentées sur le même fondement par les autres parties à l’instance
sont rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La société FMI Process et la société Artelia Ville et Transport sont condamnées in
solidum à verser à la communauté urbaine Saint-Etienne Métropole la somme de
2 073 725,68 euros toutes taxes comprises. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter
du 30 octobre 2012. Les intérêts échus à la date du 19 septembre 2016 puis à chaque échéance
annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire
eux-mêmes intérêts.
Article 2 : La société FMI Process garantira la société Artelia Ville et Transport à hauteur de
80 % de la condamnation prononcée à l’encontre de cette dernière.
Article 3 : L’Etat garantira la société Artelia Ville et Transport à hauteur de 50 % de la
condamnation prononcée à l’encontre de cette dernière.
Article 4 : Les frais de l’expertise, taxés et liquidés à la somme de 157 738 euros toutes taxes
comprises sont mis à la charge in solidum de la société FMI Process et de la société Artelia Ville
et Transport.
Article 5 : La société FMI Process et la société Artelia Ville et Transport verseront à la
communauté urbaine Saint-Etienne Métropole la somme de 1 500 euros par application de
l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 7 : Toutes les autres conclusions sont rejetées.
Article 8 : Le présent jugement sera notifié à la communauté urbaine Saint-Etienne Métropole,
la société Artelia Ville et Transport, la société FMI Process, la société stéphanoise de services
publics, la société Stereau, la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du
logement Auvergne-Rhône-Alpes et au préfet de la Loire.


Le fournisseur devient maître d’oeuvre

Dans cet arrêt, la société qui a fourni le béton a donné des directives d’exécution sur le chantier pour la bonne exécution. La jurisprudence le considère donc comme maître d’oeuvre de fait, puisque a prit part à l’acte de construire.

« Attendu, selon l’arrêt attaqué (Toulouse, 23 janvier 2017), que M. X…, qui a fait édifier un bâtiment à usage industriel, a commandé du béton auprès de la société Lafarge bétons sud-ouest (la société Lafarge) en vue de la réalisation d’une dalle par M. Y…, maçon ; que, M. X… s’étant plaint de divers défauts, la société Lafarge a fait procéder à ses frais à un ponçage ; que M. X…, insatisfait, a, après expertise, assigné en paiement de sommes la société Lafarge, qui a appelé en garantie M. Y… ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Lafarge fait grief à l’arrêt de la condamner à payer à M. X… la somme de 29 082,33 euros au titre de la reprise des désordres alors, selon le moyen :

1°/ que les constructeurs ne sont tenus à la garantie décennale qu’à condition d’avoir été liés au maître de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage ; que le fournisseur vendeur d’un matériau ne saurait être tenu de la garantie décennale ; que la cour d’appel a déduit du fait que la société Lafarge Bétons, fournisseur de béton, avait donné au poseur de la dalle en béton des instructions techniques sur le produit fourni, que cette société avait ainsi participé activement à la construction et en avait assumé la maîtrise d’oeuvre, de sorte qu’elle avait la qualité de constructeur au sens de l’article 1792 du code civil ; qu’en statuant ainsi la cour d’appel, qui a appliqué le régime de la garantie décennale légale, cependant qu’il n’existait aucun contrat de louage d’ouvrage liant la société Lafarge Bétons, fournisseur, à M. X…, maître d’ouvrage, a violé l’article 1792 du code civil ;

2°/ que le fournisseur d’un béton en vue de la réalisation d’une dalle est tenu en tant que vendeur à une obligation d’information et de conseil ; qu’il ne saurait être tenu de la garantie décennale légale pour la circonstance qu’il est intervenu, au cours de la réalisation de l’ouvrage, pour
exécuter cette obligation d’information et de conseil ; qu’en l’espèce, lors du
coulage des deux premières trames du béton ayant fourni un béton spécifique, la société Lafarge Bétons a donné, à sa demande, au constructeur qui ne connaissait pas ce matériau, des indications techniques de mise en oeuvre du produit, en exécution de son obligation d’information et de conseil de vendeur ; qu’en retenant que la société Lafarge Bétons s’était comportée en maître d’oeuvre et qu’elle était tenue de ce fait à la garantie décennale légale, pour cette seule circonstance dont il résultait seulement qu’elle avait exécuté son obligation d’information et de conseil, la cour d’appel a violé l’article 1792 du code civil ;

3°/ qu’un fabricant ne peut se voir appliquer la responsabilité décennale que si le matériau qu’il a fourni à l’entrepreneur a la nature d’une partie d’ouvrage ou d’un élément d’équipement, ce qui suppose qu’il ait été conçu et produit pour satisfaire à des exigences précises et déterminées à l’avance ; qu’en se bornant à énoncer, pour retenir la responsabilité décennale de la société Lafarge Bétons, qu’en donnant au poseur de la dalle des instructions techniques précises, elle avait participé activement à la construction, sans constater la responsabilité du constructeur lui-même, ni relever que le béton fabriqué par la société Lafarge Bétons Sud-ouest était une partie d’ouvrage ou un élément d’équipement conçu et produit pour satisfaire, en état de service, à des exigences précises et déterminées à l’avance, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1792 et 1792-4 du code civil ;

Mais attendu qu’ayant relevé que la société Lafarge, dont le préposé, présent sur les lieux lors du coulage des deux premières trames, avait donné au poseur des instructions techniques précises, notamment quant à l’inutilité de joints de fractionnement complémentaires, auxquelles le maçon, qui ne connaissait pas les caractéristiques du matériau sophistiqué fourni, s’était conformé, avait ainsi participé activement à la construction dont elle avait assumé la maîtrise d’oeuvre, la cour d’appel, qui a pu en déduire que la société Lafarge n’était pas seulement intervenue comme fournisseur du matériau, mais en qualité de constructeur au sens de l’article 1792 du code civil, a légalement justifié sa décision de ce chef ;

Sur le second moyen, ci-après annexé :

Attendu que la société Lafarge fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande de garantie formée à l’encontre de M. Y… ;

Mais attendu qu’ayant relevé, procédant à la recherche prétendument omise, que, si le maillage de joints de retrait exigé par les normes techniques n’avait pas été respecté, c’était sur les injonctions précises de la société Lafarge que la faute avait été commise, que la société Lafarge était seule responsable des désordres et que la preuve d’une faute imputable à M. Y… n’était pas rapportée, la cour d’appel a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Lafarge bétons France aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Lafarge bétons France et la condamne à payer à M. X… la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit février deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour la société Lafarge bétons France.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir condamné la société Lafarge Bétons France à payer à monsieur X… la somme de 29.082,33 euros en principal au titre de la reprise des désordres et ordonné au jour de l’arrêt la réactualisation de la somme de 29.082, 33 euros en fonction de l’évolution de l’indice BT01 depuis le mois de janvier 2013 ;

Aux motifs propres qu’après avoir fait une exacte analyse du rapport d’expertise décrivant les liens établis entre les parties en vue de la réalisation du dallage du bâtiment industriel comportant une petite cabine de peinture ainsi que le processus de mise en oeuvre à cet effet du béton autonivelant présentant certaines spécificités acquis par monsieur X… auprès de la société Lafarge Bétons Sud-Ouest et mis en oeuvre par monsieur Y… qui ne connaissait pas les caractéristiques de ce matériau sophistiqué, le tribunal en a justement déduit que la société Lafarge Bétons Sud-Ouest, dont le préposé présent sur les lieux lors du coulage des deux premières trames a donné au poseur des instructions techniques précises, notamment quant à l’inutilité de joints de fractionnement complémentaires, auxquelles le maçon s’est conformé, ayant ainsi participé activement à la construction dont elle a assumé la maîtrise d’oeuvre, alors même qu’elle avait été sollicitée pour ce faire par monsieur Y… en raison de sa méconnaissance du produit, n’était pas seulement intervenue comme fournisseur du matériau mais avait la qualité de constructeur au sens de l’article 1792 du code civil ; que c’est encore par une exacte analyse des désordres mis en évidence par l’expert, consistant notamment en des fissurations et lézardes traversantes provenant d’une insuffisance des joints de dilatation affectant la solidité du dallage ainsi qu’en la désagrégation des billes d’argiles source de poussières proscrites dans un garage de carrosserie automobile de nature à rendre l’ouvrage impropre à sa destination, que le tribunal a retenu que de tels désordres engageaient la responsabilité de plein droit de la société Lafarge Bétons Sud-Ouest édictée par l’article 1792 précité ; que le tribunal encore à bon droit a retenu parmi plusieurs solutions de reprise des désordres préconisées par l’expert celle qui, ayant reçu l’accord du maître de l’ouvrage, se révélait la moins onéreuse car réalisable en 2 ou 3 phases pendant les périodes de fermeture de l’entreprise sans engendrer de préjudice d’exploitation, consistant en la réparation des fissures, un réagréage et un revêtement par carrelage pour le prix hors-taxes de 37.385,89 € dont il a justement déduit le solde de la facture dont monsieur X… demeurait débiteur pour condamner la société Lafarge Bétons Sud-Ouest à payer à ce dernier, après la compensation qu’il a exactement opérée, la somme de 29.082,33 € ; que le tribunal n’a pas, comme le soutient monsieur X… omis de statuer sur la demande d’indexation de cette somme mais a retenu que cette demande n’était pas présentée ; que, s’agissant de l’accessoire de la demande principale, elle est recevable en cause d’appel et sera accueillie, la réactualisation étant ordonnée à la date de l’arrêt et les intérêts au taux légal courant au-delà ; que si monsieur X… ne subira pas de préjudice de jouissance du fait de la réalisation des travaux préconisés par l’expert, il est fondé à demander réparation de celui qui résulte des difficultés d’entretien du sol en raison de ses imperfections et que la cour lui allouera à ce titre une somme de 2.000 € à titre de dommages intérêts ;que le tribunal a, à bon droit, décidé, par des motifs que la cour adopte, de débouter la société Lafarge Bétons de ses demandes tendant à être relevée et garantie par monsieur Y… en retenant que la preuve d’une faute imputable à ce dernier n’était pas rapportée ;

Et aux motifs adoptés que, pour tendre à s’exonérer de cette responsabilité, la société Lafarge Bétons Sud-Ouest soutient être intervenu en sa seule et exclusive qualité de fournisseur du béton, conformément à une commande qui lui a été adressée par monsieur X… Joël, ainsi que l’établiraient les bons de commande et de livraison ; qu’elle fait donc valoir, n’étant que venderesse, et n’ayant pas procédé à la mise en oeuvre de la dalle de béton litigieuse, qu’elle ne revêt pas les qualités de constructeur au sens de l’article 1792 précité ; que, toutefois, le rapport d’expertise judiciaire ainsi que son additif, qui a répondu à l’ensemble des dires des parties, décrit de façon incontestable les liens établis entre les parties et le processus de mise en oeuvre du béton litigieux ; qu’il apparaît ainsi, ce premier point n’étant d’ailleurs pas contesté, que monsieur X… a acheté à la société Lafarge Bétons Sud-Ouest le béton que monsieur Y… a ensuite mis en oeuvre ; que ce béton technique, appelé commercialement Agilia, présente des spécificités, tel un écoulement sous son propre poids, sans ségrégation et permet ainsi, sans contenir une quantité d’eau excessive, son emploi en usage auto-nivellant ; qu’il est établi par les investigations de l’expert que monsieur Y…, qui ne connaissait pas ce matériau sophistiqué, a sollicité et reçu de la société Lafarge Bétons Sud-Ouest les instructions de mise en oeuvre de ce produit ; que, dès lors le fabricant-vendeur du béton, ayant participé activement à la construction, par les instructions techniques précises qu’il a données au poseur, est soumis aux dispositions de l’article 1792 cité ci-dessus ; que les désordres mis en évidence par l’expert judiciaire sont de trois ordres : – des fissurations, – des bullages superficiels, qui ont disparu après ponçage ; – la présence de billes d’argile sur la surface qui se désagrège ; que, contrairement à ce qu’affirme la défenderesse, ces désordres rendent le sol impropre à sa destination, ainsi que l’a rappelé l’expert, puisque, d’une part, les fissures et les lézardes affectent la solidité du dallage et que, d’autre part, la désagrégation des billes d’argile est source de poussière, proscrite dans un garage automobile ; que, par voie de conséquence, la responsabilité de plein droit de la société Lafarge Bétons Sud-Ouest en vertu de l’article 1792 du code civil est engagée ;

1°) Alors que les constructeurs ne sont tenus à la garantie décennale qu’à condition d’avoir été liés au maître de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage ; que le fournisseur vendeur d’un matériau ne saurait être tenu de la garantie décennale ; que la cour d’appel a déduit du fait que la société Lafarge Bétons, fournisseur de béton, avait donné au poseur de la dalle en béton des instructions techniques sur le produit fourni, que cette société avait ainsi participé activement à la construction et en avait assumé la maîtrise d’oeuvre, de sorte qu’elle avait la qualité de constructeur au sens de l’article 1792 du code civil ; qu’en statuant ainsi la cour d’appel, qui a appliqué le régime de la garantie décennale légale, cependant qu’il n’existait aucun contrat de louage d’ouvrage liant la société Lafarge Bétons, fournisseur, à monsieur X…, maître d’ouvrage, a violé l’article 1792 du code civil ;

2°) Alors que le fournisseur d’un béton en vue de la réalisation d’une dalle est tenu en tant que vendeur à une obligation d’information et de conseil ; qu’il ne saurait être tenu de la garantie décennale légale pour la circonstance qu’il est intervenu, au cours de la réalisation de l’ouvrage, pour exécuter cette obligation d’information et de conseil ; qu’en l’espèce, lors du coulage des deux premières trames du béton ayant fourni un béton spécifique, la société Lafarge Bétons a donné, à sa demande, au constructeur qui ne connaissait pas ce matériau, des indications techniques de mise en oeuvre du produit, en exécution de son obligation d’information et de conseil de vendeur ; qu’en retenant que la société Lafarge Bétons s’était comportée en maître d’oeuvre et qu’elle était tenue de ce fait à la garantie décennale légale, pour cette seule circonstance dont il résultait seulement qu’elle avait exécuté son obligation d’information et de conseil, la cour d’appel a violé l’article 1792 du code civil ;

3°) Alors, en tout état de cause, qu’un fabricant ne peut se voir appliquer la responsabilité décennale que si le matériau qu’il a fourni à l’entrepreneur a la nature d’une partie d’ouvrage ou d’un élément d’équipement, ce qui suppose qu’il ait été conçu et produit pour satisfaire à des exigences précises et déterminées à l’avance ; qu’en se bornant à énoncer, pour retenir la responsabilité décennale de la société Lafarge Bétons, qu’en donnant au poseur de la dalle des instructions techniques précises, elle avait participé activement à la construction, sans constater la responsabilité du constructeur lui-même, ni relever que le béton fabriqué par la société Lafarge Bétons Sud-ouest était une partie d’ouvrage ou un élément d’équipement conçu et produit pour satisfaire, en état de service, à des exigences précises et déterminées à l’avance, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1792 et 1792-4 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir débouté la société Lafarge Bétons de ses demandes tendant à être relevée et garantie par monsieur Y… ;

Aux motifs propres que le tribunal a, à bon droit, décidé, par des motifs que la cour adopte, de débouter la société Lafarge Bétons de ses demandes tendant à être relevée et garantie par monsieur Y… en retenant que la preuve d’une faute imputable à ce dernier n’était pas rapportée ;

Et aux motifs adoptés que chacun lié contractuellement à monsieur X…, la société Lafarge Bétons Sud-Ouest et monsieur Y… sont tiers entre eux ; que, pour voir engager sa responsabilité et obtenir sa condamnation à le relever et garantir le paiement des sommes auxquelles elle est tenue, la société Lafarge Bétons Sud-Ouest doit donc démontrer la faute du professionnel intervenu dans la mise en oeuvre du produit qu’elle a fabriqué et vendu et dont elle a dirigé la pose ; qu’à cet effet, l’expert rapporte des spécificités contenues par le DTU applicable au béton Agilia, et en particulier le maillage de joints de retrait spécifiquement resserré, exigé par les normes techniques ; or, qu’il est établi que si ce maillage, comprenant un écart maximal de 3,90 m entre deux joints, n’a pas été respecté, c’est sur les injonctions précises de la société Lafarge Bétons Sud-Ouest que la faute a été commise ; qu’en effet, monsieur Y…, qui ne connaissait pas le produit s’est adressé à elle pour connaître les contraintes de mise en oeuvre et a respecté les consignes qui lui ont été données ; qu’en omettant d’appliquer elle-même les recommandations techniques qu’elle a établies, la société Lafarge Bétons Sud-Ouest est seule responsable des désordres et, en l’absence de faute de monsieur Y…, son recours en garantie sera rejeté ;

Alors que la société Lafarge Bétons Sud-Ouest faisait valoir que les fissurations n’étaient imputables ni à la qualité du béton, ni à sa nature, mais à la seule mise en oeuvre de la dalle en béton, et que les désordres affectant cette dalle résultaient d’un défaut d’exécution relevant de la responsabilité exclusive de monsieur Y… en sa qualité de constructeur de la dalle litigieuse ; qu’en se bornant à affirmer que la preuve d’une faute imputable à monsieur Y… n’était pas rapportée, sans rechercher, comme elle y était invitée (concl. p. 4 in fine), si les fissurations qui, selon l’expert, étaient la conséquence d’une insuffisance de joints de dilatation et du retrait de prise provenant de la dessiccation du béton, résultaient d’un défaut d’exécution imputable à monsieur Y…, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382 du code civil, en sa rédaction applicable en la cause, antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016. »


L’entrepreneur a toujours obligation de résultat

Répétons le, l’entrepreneur a toujours une obligation de résultat, sauf bien sûr à ce à ce qu’il y ait immixtion  du maître d’ouvrage. Et encore faudrait il le prouver. Ce n’est donc pas parce qu’il y a un sous-traitant, une découverte de chantier ou que sais-je d’autre que l’obligation de résultat n’existe plus.

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Sogesmi fait grief à l’arrêt de la condamner à payer à M. et Mme X… la somme de 20 402,12 euros avec indexation, alors, selon le moyen, qu’après la réception de l’ouvrage, la responsabilité contractuelle de droit commun d’un constructeur ne peut être engagée en raison de malfaçons que sur le fondement d’une faute prouvée ; qu’en l’espèce, la société Sogesmi faisait valoir qu’elle n’avait pas commis de faute dans l’exécution de sa prestation et sollicitait la confirmation du jugement de première instance qui avait retenu que les époux X… ne produisaient aux débats aucun élément susceptible d’établir une faute de la société Sogesmi dans la réalisation des désordres affectant la façade de leur maison ; qu’en se bornant, pour retenir la responsabilité de la société Sogesmi, à relever qu’elle était tenue d’une « obligation de résultat portant sur la délivrance d’un ouvrage exempt de défaut » et que, dès lors, les « défauts affectant le ravalement de l’immeuble constituent des manquements de la société Sogesmi », tandis qu’après la réception, la responsabilité contractuelle de la société Sogesmi ne pouvait être retenue qu’à la condition de prouver sa faute, la cour d’appel a violé l’article 1147 du code civil ;

Mais attendu qu’ayant relevé que la réception avait été prononcée avec des réserves relatives au ravalement et que le délai de la garantie de parfait achèvement était expiré, la cour d’appel en a exactement déduit que l’obligation de résultat de l’entrepreneur principal persistait, pour les désordres réservés, jusqu’à la levée des réserves et que la demande présentée contre la société Sogesmi, sur le fondement de l’article 1147 du code civil, devait être accueillie ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Mais sur le second moyen :

Vu l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu que, pour rejeter la demande de la société Sogesmi sollicitant la garantie de la société DCM ravalement, l’arrêt retient que la société Sogesmi n’est pas fondée à exercer un recours en garantie contre la société DCM ravalement en se fondant sur un rapport d’expertise non contradictoire qui ne lui est pas opposable ;

Qu’en statuant ainsi, alors que le sous-traitant est tenu envers l’entrepreneur principal d’une obligation de résultat, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il rejette la demande de garantie de la société Sogesmi à l’encontre de la société DCM ravalement, l’arrêt rendu le 30 octobre 2015, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;

Laisse à chacune des parties la charges de ses propres dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux février deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Sogesmi

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR condamné la société Sogesmi à payer à M. et Mme Thierry et Valérie X… la somme de 20.402,12 € avec indexation sur les variations de l’indice BT01 du bâtiment, les indices de référence étant ceux en vigueur au 15 octobre 2010, date du devis de réfection et à la date de l’arrêt ;

AUX MOTIFS QUE le rapport d’expertise amiable consécutif à la visite contradictoire du 9 juin 2010 révèle que les façades de la maison présentent des micro-fissures horizontales de faible ouverture provenant de la mauvaise exécution de l’enduit de ravalement, d’une variation dimensionnelle de la structure du plancher et de l’absence d’entoilage en jonction de matériaux distincts. Contrairement aux affirmations des parties et comme l’a très justement rappelé le tribunal, l’expiration de la garantie de parfait achèvement ne fait pas obstacle à une action fondée sur la responsabilité contractuelle des constructeursLa société Sogesmi, qui était tenue par une obligation de résultat portant sur la délivrance d’un ouvrage exempt de défaut, est responsable du sous-traitant qu’elle a choisi pour exécuter le contrat qui lui avait été confié par le maître de l’ouvrage et répond de ses éventuels manquements sans pouvoir se retrancher derrière leurs fautes comme cause exonératoire de sa propre responsabilité. Les défauts affectant le ravalement de l’immeuble constituent des manquements de la société Sogesmi dans l’exécution de son obligation contractuelle souscrite envers M. et Mme X…, justifiant la demande sur le fondement de l’article 1147 du code civil ;

ALORS QU’après la réception de l’ouvrage, la responsabilité contractuelle de droit commun d’un constructeur ne peut être engagée en raison de malfaçons que sur le fondement d’une faute prouvée ; qu’en l’espèce, la société Sogesmi faisait valoir qu’elle n’avait pas commis de faute dans l’exécution de sa prestation (concl. p. 7) et sollicitait la confirmation du jugement de première instance qui avait retenu que les époux X… ne produisaient aux débats aucun élément susceptible d’établir une faute de la société Sogesmi dans la réalisation des désordres affectant la façade de leur maison ; qu’en se bornant, pour retenir la responsabilité de la société Sogesmi, à relever qu’elle était tenue d’une « obligation de résultat portant sur la délivrance d’un ouvrage exempt de défaut » et que, dès lors, les « défauts affectant le ravalement de l’immeuble constituent des manquements de la SAS Sogesmi », tandis qu’après la réception, la responsabilité contractuelle de la société Sogesmi ne pouvait être retenue qu’à la condition de prouver sa faute, la cour d’appel a violé l’article 1147 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR débouté la société Sogesmi de sa demande de condamnation de la société DCM Ravalement à la garantir de toutes les condamnations auxquelles elle pourrait être condamnée du chef des demandes de M. et Mme X… ;

AUX MOTIFS QUE le rapport d’expertise amiable consécutif à la visite contradictoire du 9 juin 2010 révèle que les façades de la maison présentent des micro-fissures horizontales de faible ouverture provenant de la mauvaise exécution de l’enduit de ravalement, d’une variation dimensionnelle de la structure du plancher et de l’absence d’entoilage en jonction de matériaux distincts ;

ET AUX MOTIFS QUE la société Sogesmi n’est pas fondée à exercer un recours en garantie contre la société DCM Ravalement en se fondant sur un rapport d’expertise non contradictoire qui ne lui est pas opposable ;

1) ALORS QUE le sous-traitant, tenu à une obligation de résultat vis-à-vis de l’entrepreneur principal, doit réaliser un ouvrage exempt de vice ; qu’en l’espèce, la société Sogesmi sollicitait la garantie de la société DCM Ravalement en rappelant que deux expertises amiables avaient imputé les désordres constatés à ce sous-traitant (concl., p. 8) ; qu’en se bornant à affirmer, pour écarter la responsabilité de la société DCM Ravalement, que la société Sogesmi ne pouvait pas se fonder sur un rapport d’expertise non contradictoire qui n’était pas opposable au sous-traitant pour établir sa faute tandis que la preuve d’une telle faute n’était pas requise, la cour d’appel a violé l’article 1147 du code civil ;

2) ALORS QUE l’obligation de résultat emporte présomption de faute et de causalité ; qu’en écartant la responsabilité de la société DCM Ravalement tout en constatant l’existence de désordres affectant le ravalement réalisé par celle-ci, en sorte que la faute de cette dernière était présumée ainsi que le lien de causalité avec les désordres, la cour d’appel a violé les articles 1315 et 1147 du code civil ;

3) ALORS QUE si le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise réalisée à la demande de l’une des parties, il n’est pas interdit à une partie de se prévaloir d’une expertise amiable, même non contradictoire, qui n’a pas été établie à sa demande ; qu’en l’espèce, la société Sogesmi se prévalait de l’expertise réalisée par le cabinet Saretec à la demande de la société Aviva Assurances et de celle réalisée par M. Y… à la demande de l’assureur protection juridique de M. X…, pour soutenir que les désordres en cause étaient imputables à la société DCM Ravalement (concl., p. 8) ; que pour rejeter la demande en garantie formée contre ce sous-traitant, la cour d’appel a considéré que la société Sogesmi n’était pas fondée à se prévaloir d’un rapport d’expertise non contradictoire qui n’était pas opposable à la société DCM Ravalement ; qu’en se prononçant ainsi sans vérifier si les deux rapports amiables n’avaient pas été établis à la demande de tiers, en l’occurrence la société Aviva Assurances et de M. X…, ce qui permettait à la société Sogesmi de s’en prévaloir à l’encontre de la société DCM Ravalement, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 16 du code de procédure civile ;

4) ALORS QUE si le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise réalisée à la demande de l’une des parties, celles-ci peuvent néanmoins s’en prévaloir si elle est corroborée d’autres éléments ; qu’en l’espèce, la société Sogesmi se prévalait de l’expertise réalisée par le cabinet Saretec et de celle réalisée par M. Y… pour soutenir que les désordres en cause étaient imputables à la société DCM Ravalement (concl., p. 8) ; que pour rejeter la demande en garantie formée contre ce sous-traitant, la cour d’appel a considéré que la société Sogesmi n’était pas fondée à se prévaloir d’un rapport d’expertise non contradictoire qui n’était pas opposable à la société DCM Ravalement ; qu’en se prononçant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les deux rapports invoqués par la société Sogesmi étaient de nature à se corroborer l’un l’autre pour établir le manquement de la société DCM Ravalement, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 16 du code de procédure civile. »


Atteinte au voisinage et dérogation au code de l’urbanisme

Dans cet arrêt, le Conseil d’Etat juge de ce qui peut fonder une dérogation au code de l’urbanisme, quand l’atteinte à la règle ne porte pas de conséquence sur l’environnement dans la mesure où la surélévation autorisée permet d’une part une mise à niveau par rapport au voisinage, et d’autre part de maintenir une famille nombreuse dans le village.

Un voisin attaquait sous prétexte que le permis de construire accordé ne respectait pas le PLU. Le Conseil d’Etat a jugé que l’intérêt général et l’absence de dommage sur le voisinage pouvait justifier la dérogation.

« M. E…B…-D… a demandé au tribunal administratif de Nice d’annuler l’arrêté du 10 octobre 2008 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a délivré un permis de construire à M. A…C…en vue de la surélévation d’un immeuble d’habitation situé à Tourette-du-Château. Par un jugement n° 0903706 du 5 novembre 2012, le tribunal a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 12MA04910 du 26 septembre 2014, la cour administrative d’appel de Marseille a, sur l’appel de M. B…-D…, annulé ce jugement ainsi que l’arrêté attaqué.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 8 décembre 2014 et 9 mars 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. C… demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de M. B…-D… la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code de l’urbanisme ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme Séverine Larere, maître des requêtes,

– les conclusions de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gaschignard, avocat de M. C…et à Me Le Prado, avocat de M. B…-D… ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l’article R. 111-17 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction issue du décret du 5 janvier 2007 pris pour l’application de l’ordonnance du 8 décembre 2005 relative au permis de construire et aux autorisations d’urbanisme :  » Lorsque le bâtiment est édifié en bordure d’une voie publique, la distance comptée horizontalement de tout point de l’immeuble au point le plus proche de l’alignement opposé doit être au moins égale à la différence d’altitude entre ces deux points « . Aux termes de l’article R. 111-20 du même code, dans sa rédaction issue du même décret :  » Des dérogations aux règles édictées dans la présente sous-section peuvent être accordées par décision motivée de l’autorité compétente, après avis du maire de la commune lorsque celui-ci n’est pas l’autorité compétente « . Il résulte de ces dispositions qu’une dérogation peut être légalement autorisée si les atteintes qu’elle porte à l’intérêt général que les prescriptions d’urbanisme ont pour objet de protéger ne sont pas excessives eu égard à l’intérêt général que présente cette dérogation.

2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 10 octobre 2008 pris après avis favorable du maire, le préfet des Alpes-Maritimes a accordé à M.C…, propriétaire d’un immeuble à Tourette-du-Château, un permis de construire dérogeant aux dispositions précitées de l’article R. 111-17 du code de l’urbanisme, aux fins de procéder à la surélévation de cet immeuble et à la fermeture d’une véranda. M. B… -D…, propriétaire d’un immeuble situé en vis-à-vis de celui de M.C…, a demandé l’annulation de ce permis de construire au tribunal administratif de Nice qui, par un jugement du 5 novembre 2012, a rejeté cette demande. Par l’arrêt attaqué du 26 septembre 2014, la cour administrative d’appel de Marseille a toutefois annulé ce jugement ainsi que l’arrêté préfectoral du 10 octobre 2008.

3. Il ressort des pièces du dossier soumis à la cour, d’une part, que les travaux envisagés par M.C…, qui portaient sur la création d’une surface hors oeuvre nette de 49 m², étaient de nature à améliorer l’habitabilité de son immeuble et à contribuer au maintien d’une famille nombreuse dans le village, d’autre part, qu’en limitant certaines des différences de hauteur entre cet immeuble et les immeubles mitoyens, ces travaux contribuaient à une meilleure insertion de l’immeuble dans l’habitat voisin. Il en résulte que, pour juger que la dérogation accordée par le préfet des Alpes-Maritimes ne pouvait être légalement autorisée sur le fondement de l’article R.111-20 précité du code de l’urbanisme, la cour, qui a estimé qu’elle ne répondait à aucun motif d’intérêt général, a dénaturé les faits qui lui étaient soumis. Il en résulte que M. C… est fondé, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de son pourvoi, à demander l’annulation de l’arrêt attaqué.

4. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de M B… -D… une somme de 3 000 euros à verser à M. C…au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font, en revanche, obstacle à ce qu’une somme soit mise, à ce titre, à la charge de M.C…, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

Article 1er : L’arrêt n° 12MA04910 de la cour administrative d’appel de Marseille du 26 septembre 2014 est annulé.
Article 2 : L’affaire est renvoyée à la cour administrative d’appel de Marseille.
Article 3 : M. B…-D… versera à M. C…une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par M. B…-D… au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Monsieur A…C…, à Monsieur E… B…-D… et au ministre du logement et de l’habitat durable.
Copie en sera adressée, pour information, à la commune de Tourette-du-Château. »


Difficulté d’identification des causes d’un désordre

Souvent, quand un désordre survient dans un bâtiment et que l’expert vient en chercher les causes, celui a bien du mal à distinguer quoi vient d’où. Et parfois, comme cela a été le cas ici jusqu’en appel, le juge ne s’y retrouve pas et à défaut de clarté préfère écarter la responsabilité des entreprises, ou en tout pour les plus lourdes. C’est ce que la Cour de Cassation a ici rejeté.

» Vu l’article 4 du code civil ;

Attendu que, pour rejeter la demande au titre des désordres relatifs à la maçonnerie, l’arrêt retient qu’aucune faute n’est caractérisée à l’encontre de la SCI, car « il n’est pas possible de distinguer ce qui relève des vices apparents et de l’esthétique, de la décennale par les infiltrations et des dommages intermédiaires survenus postérieurement au délai d’un an nécessitant la faute de la SCI » ;

Qu’en statuant ainsi, en refusant de statuer sur la demande dont elle était saisie, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il rejette la demande au titre des désordres de maçonnerie, l’arrêt rendu le 26 septembre 2016, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne la société civile immobilière Résidences Franco-Suisse aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit février deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat aux Conseils, pour le syndicat des copropriétaires […]

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir limité la condamnation de la société Résidences Franco Suisse en raison des désordres litigieux à la somme globale de 62.112,44 euros en principal, due au titre des non conformités contractuelles (14.000 euros pour les peintures, 5.500 euros pour l’ascenseur, 5.500 euros pour le sol du bâtiment B et 6304,69 euros pour l’interphone, l’entrée du bâtiment et la liste copropriétaires), et des vices apparents (10.000 euros de mise en conformité des volets, 3.000 euros de signal parking et serrurerie, 13.957 euros pour l’accès VMC et 3.850,75 euros pour le local EDF) et d’avoir rejeté le surplus des demandes formées par le syndicat des copropriétaires exposant ;

AUX MOTIFS QUE « la SCI reproche au tribunal de l’avoir condamnée à payer la somme de 175.258,77 euros HT sur le fondement de la responsabilité contractuelle pour faute alors que cette responsabilité est subsidiaire et qu’il existe des désordres relevant de la garantie décennale et subsidiairement, demande l’infirmation du jugement car aucune faute ne peut lui être reprochée, l’obligation de remettre un ouvrage exempt de vice ne caractérisant pas la faute, qu’au surplus, il doit exister une faute, un préjudice et un lien de causalité entre les deux. Elle invoque la responsabilité de chacune des sociétés étant intervenue sur le site. Le syndicat des copropriétaires invoquant des désordres, non-conformités et malfaçons excluant la responsabilité décennale de la SCI et se fondant sur les articles 1134 et 1147 du Code civil retient la responsabilité contractuelle de droit commun de cette dernière, pour manquement à ses engagements et faute. Elle explique que la faute des constructeurs n’exonère pas la SCI de la sienne puisqu’elle a reconnu l’existence des désordres, dans plusieurs lettres d’octobre et novembre 2009, qu’elle s’était engagée à les faire réparer et à faire lever les réserves y compris les désordres survenus postérieurement, soit en février 2010 et mars 2011 et pendant l’expertise. Il s’agit de la construction de trois corps de bâtiments desservis par trois cages d’escaliers et deux niveaux de parking. Les parties s’accordent sur le fait que la réception des parties communes est intervenue en novembre 2008 et la livraison les 25 novembre 2008 et 1er décembre 2008. Il est demandé la somme globale de 280.952,34 euros TTC par le syndicat des copropriétaires. Le vendeur en état futur d’achèvement est tenu des vices cachés au titre de la responsabilité décennale de l’article 1646-1 du Code civil, des vices apparents de l’article 1642-1 du Code civil, des désordres intermédiaires au titre de la responsabilité contractuelle pour faute prouvée, des défauts de conformité apparents à la réception de l’article 1604 du Code civil (régime applicable antérieur à la loi du 25 mars 2009). Le vendeur en état futur d’achèvement est tenu des vices apparents et des défauts de conformité apparents à la réception. Il doit livrer un ouvrage conforme aux spécifications du contrat sinon il engage sa responsabilité contractuelle même sans désordre ou vice. Il est tenu de livrer les ouvrages promis sans qu’il y ait lieu de rechercher si ces défauts étaient apparents lors de la réception, il s’agit de l’acte intervenu entre le maître de l’ouvrage et les constructeurs. De plus, la SCI s’est engagée dans sa lettre du 26 novembre 2009 à ce que à titre amiable l’ensemble des réserves soient levées sauf certains points mais sans reconnaissance de responsabilité. Toutefois, dans le détail des griefs, elle a contesté devoir reprendre certains postes, maintenu cette position et des désordres sont bien postérieurs. Enfin, son engagement était assorti d’une condition, en l’espèce, il était demandé au syndicat des copropriétaires de retirer son assignation qui venait d’être délivrée ce qu’il n’a pas fait. Cette lettre ne peut être considérée comme un engagement ferme de reprendre les désordres et le jugement doit être infirmé en ce qu’il a retenu que la SCI s’était engagée et était tenue de cet engagement. Les lettres envoyées aux entreprises pour lever les réserves démontrent ses diligences mais ne l’engagent pas personnellement à les reprendre par la suite. Le jugement doit être infirmé en ce qu’il a jugé que du fait de l’engagement contractuel de la SCI et du non respect de ce dernier, elle avait commis une faute et qu’elle devait payer l’ensemble des désordres sans aucune distinction entre eux. La numérotation de cette lettre de novembre 2009 est en lien avec le document du 12 novembre 2009 page 54 et suivantes du rapport avec l’expert judiciaire, la pièce 9 du syndicat des copropriétaires de mars 2010, la pièce du syndicat des copropriétaires du 13 avril 2011. Il s’agit du tableau mentionnant les désordres (47) avec des annotations concernant la position de chacun et l’évolution. La Cour va utiliser ces documents pour distinguer les demandes qui sont faites globalement. Ces documents reprenant la même numérotation mentionnent le désordre, et son état d’avancement, c’est-à-dire sa réparation ou l’absence de celle-ci et ses conséquences et les indications portées ne sont pas contestées par la SCI. En effet, il doit être examiné les non conformités, vices et désordres un par un afin de déterminer de quel fondement ils relèvent et si la SCI doit être condamnée. La SCI ne peut pas être condamnée pour les désordres à caractère décennal, fondement non retenu par le syndicat des copropriétaires, ni pour les désordres dits intermédiaires (après réception mais ne relevant pas de la garantie décennale si aucune faute n’est démontrée). Il y a lieu d’examiner les désordres selon le rapport de l’expert judiciaire M. Y… clos le 15 septembre 2011. Ce dernier a établi une liste des désordres page 73 du rapport sans toutefois en faire une synthèse et chiffrer le coût dans le détail. Ni l’expert, ni les parties n’ont repris les désordres un par un en les décrivant, en indiquant le désordre, l’origine et le coût. La Cour ne peut retenir que les plus explicites dont la trace se retrouve dans les points pris en considération par l’expert et dont il est possible de chiffrer le montant sachant que le rapport s’apparente à un puzzle incomplet rendant la tache difficile pour tous. (
) N° 15, 24, 26, 29 : Il existe des fissures en façade, la SCI s’était engagée à les reprendre, et décollement sur le crépi du mur situé près de l’emplacement de stationnement. La SCI s’était engagée à la reprise.. A l’angle du balcon 115. La SCI s’était engagée à la reprise. Dans un linteau au-dessus de la porte du parking. La SCI s’était engagée à la reprise. Il s’agit de vices apparents. L’assurance dommages-ouvrage a pris en charge certains désordres. L’expert page 75 retient pour le devis de ravalement de maçonnerie le devis DNT du 29 novembre 2010 pour la somme de 26.709 euros incluant d’autres prestations. Selon l’expert page 50, les maçonneries et les reprises des devis DNT estimées semblent inclure des travaux liés à des désordres apparus après l’année de garantie. Au titre de la maçonnerie, le syndicat des copropriétaires demande la somme de 98.553 euros et l’expert a retenu la somme de 26.709 euros sous la seule mention : « travaux de finition du ravalement et de maçonnerie », sans plus d’information. Selon la SCI les désordres de maçonnerie du ravalement entrainent des infiltrations. Aucune faute n’étant caractérisée à l’encontre de la SCI, sur ce point, la demande doit être rejetée dans la mesure où sur ce point il n’est pas possible de distinguer ce qui relève des vices apparents et de l’esthétique, de la décennale par les infiltrations et des dommages intermédiaires survenus postérieurement au délai d’un an nécessitant la faute de la SCI. Cette demande doit être rejetée. (
) N° 30 : Il s’agit de l’absence de couvertines sur les bandeaux en saillie de façades. La notice architecturale (pièce 16-3 du syndicat des copropriétaires) permet de constater qu’elles étaient prévues dans le projet de l’architecte. La SCI qui n’a pas accepté la reprise de désordre soutient qu’il relève de la garantie décennale car il rend l’ouvrage impropre à sa destination en n’assurant pas la fonction d’étanchéité. Selon l’expert (p. 66) : les copropriétaires signalent des traces d’humidité à l’intérieur des logements en façades au niveau des planchers et des bandeaux extérieurs. Ce désordre est apparu après l’année de parfait achèvement ; la pose des couvertines sur les bandeaux des corniches font défaut et leur absence entraine des infiltrations au niveau des pierres et béton de rejaillissement et il faut remplacer les larmiers oubliés sous les bandeaux saillants par des couvertines car le rejaillissement entraine la migration de l’eau dans la pierre de première assise. Il s’agit initialement d’une non-conformité contractuelle qui selon la pièce 1 du syndicat des copropriétaires pouvait n’entrainer que des désordres esthétiques par des salissures. Cette non-conformité au contrat n’ayant pas été réparée, il en est résulté des infiltrations. Comme l’indique la SCI, le désordre relevant d’une garantie légale ne peut pas donner lieu contre les personnes tenues à cette garantie à une action en réparation sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun. En conséquence, le vice chassant le défaut de conformité, ce désordre présente un caractère décennal comme le soutient la SCI. Le jugement doit être infirmé en ce qu’il a retenu la responsabilité contractuelle des appelantes. (
) N° 45 : La fixation des garde-corps de sécurité en toiture est à revoir. Le coût est de 3.643 euros TTC. Selon l’assignation, les garde-corps en sortie de toiture ne sont pas fixés solidement et ne remplissent pas leur rôle de protection collective. Selon l’expert, les garde-corps de sécurité de la toiture n’ont pas à servir de protection collective. Ils ne servent qu’à la maintenance et doivent offrir des points d’ancrage solides aux porteurs de harnais (p. 73). Dans la pièce 9 du syndicat des copropriétaires, il est indiqué que cette absence constitue un danger pour les entreprises devant intervenir dans l’immeuble. La SCI soutient que ce désordre relève de la garantie décennale car il rend l’ouvrage impropre à sa destination, la protection contre les chutes n’étant pas assurée. Ce désordre était caché dans ses conséquences et sa gravité lors de la réception. Il rend l’ouvrage impropre à sa destination par sa gravité car il ne permet pas d’assurer la sécurité du personnel de maintenance et il a des conséquences dangereuses par le risque de chutes. Il relève de la garantie décennale. Le jugement doit être infirmé en ce qu’il a retenu la responsabilité contractuelle de l’appelante. N° 41 : Isolation phonique des extracteurs de parking. Selon l’assignation, les extracteurs d’air des deux sous-sols parkings sont trop bruyants et créent des nuisances sonores (p. 59). Dans le document 9 du syndicat des copropriétaires, il existe des plaintes dans la copropriété par les résidents qui sont soit en face, soit à côté. Selon l’expert les extracteurs d’air en sous-sol sont bruyants. Leurs coffres fermés par des tôles vissées directement sur les pattes métalliques vibrent. Les blocs d’extraction de l’air vicié sont très bruyants (p. 24 selon l’expert) il faut adapter l’isolation phonique des extracteurs du parking (p. 75). Le coût est de 12.000 euros TTC. La SCI soutient que ce désordre relève de la garantie décennale car il rend l’ouvrage impropre à sa destination. Ce désordre rend l’ouvrage impropre à sa destination par les nuisances sonores engendrées pour les riverains. Il relève de la garantie décennale. Le jugement doit être infirmé en ce qu’il a retenu la responsabilité contractuelle de l’appelante. (
) La SCI doit être condamnée à payer les sommes de : peintures : 14.000 euros ; ascenseur : 5.500 euros TTC ; accès VMC : 13.957 euros TTC ; sol du bâtiment B : 5.500 euros ; interphone, entrée du bâtiment : 6.304,69 euros ; mise en conformité des volets : 10.000 euros ; panneau entrée du parking et serrurerie : 3.000 euros ; local EDF : 3.850,75 euros TTC. Dit que pour ces sommes les intérêts légaux doivent courir à compter du 28 mai 2013 ; elles doivent être actualisées à compter du 15 septembre 2011 en fonction de l’indice BT 01, elles incluent une TVA à 5,5% qui doit être actualisée au jour de la présente décision, il doit être ajouté 10% de maîtrise d’oeuvre, conformément à l’avis de l’expert, la capitalisation des intérêts est ordonnée. S’agissant des autres demandes, aucune faute n’est caractérisée à l’encontre de la SCI ou les désordres relèvent de la garantie décennale incombant aux constructeurs. En effet, le fait de livrer un ouvrage non conforme et avec des désordres ne constitue pas une faute pour le maître de l’ouvrage » ;

1°/ ALORS QUE les juges ne peuvent pas dénaturer les documents de la cause ; que le syndicat exposant faisait expressément valoir, dans ses conclusions d’appel, que si la société Résidences Franco Suisse avait été à juste titre déclarée responsable par le tribunal des désordres litigieux sur le fondement des articles 1134 et 1147 du Code civil, dans la mesure où ces désordres ne compromettaient pas la destination de l’immeuble, il n’en restait pas moins que si tel n’avait pas été le cas, elle aurait été en tout état de cause tenue au titre de la garantie décennale de l’article 1646-1 du Code civil de réparer les désordres non apparents lors de la réception des travaux et affectant la solidité ou la destination de l’ouvrage (conclusions, p. 5 et 6) ; qu’en retenant néanmoins que la société Résidences Franco Suisse ne pouvait pas être condamnée pour les désordres à caractère décennal, car il s’agissait d’un « fondement non retenu par le syndicat des copropriétaires », cependant que la garantie décennale avait été expressément invoquée à titre subsidiaire par le syndicat exposant, la Cour d’appel a dénaturé les écritures d’appel de ce dernier et violé l’article 4 du Code de procédure civile, ensemble le principe selon lequel les juges ne peuvent pas dénaturer les documents de la cause ;

2°/ ALORS QUE, en tout état de cause, si les conclusions d’appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ses prétentions est fondée, seules les prétentions doivent être énoncées sous forme de dispositif à l’exclusion des moyens qui figurent dans le corps des écritures d’appel ; qu’en l’espèce, le syndicat des copropriétaires sollicitait la confirmation de la décision des premiers juges et la condamnation de la société Résidences Franco Suisse à lui payer la somme de 280.952,34 euros TTC en réparation des désordres litigieux (dispositif des conclusions, p. 14) ; qu’au soutien de cette prétention, le syndicat exposant faisait expressément valoir, dans le corps de ses écritures d’appel, que si la société Résidences Franco Suisse avait été à juste titre déclarée responsable par le tribunal des désordres sur le fondement des articles 1134 et 1147 du Code civil, dans la mesure où ces désordres ne compromettaient pas la destination de l’immeuble, il n’en restait pas moins que si tel n’avait pas été le cas, elle aurait été également tenue au titre de la garantie décennale de l’article 1646-1 du code civil de réparer les désordres non apparents lors de la réception des travaux et affectant la solidité ou la destination de l’ouvrage (conclusions, p. 5 et 6) ; qu’il s’agissait donc là d’un moyen subsidiaire figurant dans le corps des conclusions d’appel et qu’il appartenait à la Cour d’appel d’examiner pour le cas où le fondement des articles 1134 et 1147 du Code civil aurait été écarté ; qu’en retenant néanmoins que la société Résidences Franco Suisse ne pouvait pas être condamnée pour les désordres à caractère décennal, car il s’agissait d’un « fondement non retenu par le syndicat des copropriétaires », cependant que la garantie décennale était expressément invoquée à titre subsidiaire dans le corps des conclusions d’appel du syndicat exposant, la Cour d’appel a violé l’article 954 du Code de procédure civile ;

3°/ ALORS QUE le juge ne peut refuser de statuer en se fondant sur l’insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties ; qu’en énonçant en l’espèce, pour rejeter la demande formée par le syndicat des copropriétaires au titre de la maçonnerie pour un montant de 98.553 euros, qu’« il n’est pas possible de distinguer ce qui relève des vices apparents et de l’esthétique, de la décennale par les infiltrations et des dommages intermédiaires survenus postérieurement au délai d’un an nécessitant la faute de la SCI », la Cour d’appel, qui a ainsi refusé de statuer sur la demande dont elle était saisie, a méconnu son office et violé l’article 4 du Code civil ;

4°/ ALORS QUE la garantie décennale ne couvre que les dommages qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination, ce qu’il appartient aux juges de fond de constater expressément ; qu’en l’espèce, la Cour d’appel a énoncé que le désordre tenant à l’absence de couvertines sur les bandeaux en saillie de façades constituait initialement une non-conformité contractuelle pouvant entrainer des désordres esthétiques par des salissures qui, n’ayant pas été réparée, avait occasionné des infiltrations, et qu’en conséquence, « le vice chassant le défaut de conformité, ce désordres présente un caractère décennal » ; qu’en statuant ainsi, sans rechercher si le désordre était de nature à compromettre la solidité de l’ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1792 du Code civil. »


La loi ELAN pour sécuriser le montage d’opérations

Passons les polémiques sur différents sujets dont les journaux sont pleins, ce n’est pas notre sujet. Ce qui m’intéresse d’avantage ce sont les pistes envisagées pour sécuriser le montage d’opérations, et, de façon centrale, faciliter et sécuriser les autorisations d’urbanisme.

  1. Faciliter les autorisations d’urbanisme : En fait, c’est réduire les délais. Bon, honnêtement je ne vois pas bien en quoi décider que cela ira plus vite permettra d’aller vraiment plus vite. Passons.
  2. Rendre les recours plus difficiles :
    1. Rendre les recours techniquement plus difficiles : c’est sûr, ne serait ce que comprendre la modification du texte actuel est déjà difficile !
    2. Faciliter les sanctions financières contre les recours abusifs : oui elles existent déjà mais ne sont pour ainsi dire jamais appliqué, et donc l’auteur d’un recours ne risque pratiquement rien mais si sa motivation est strictement abusive.
    3. L’encadrement des transactions financières obtenues en échange d’un abandon de recours. Elle seront notamment interdites pour les associations, sauf si les biens matériels de ces associations sont directement impliquées dans le recours. Bref, c’est pour éviter que l’association pour le maintien du quartier dans son état de juste avant soit arrosée.

Cela suffira t-il ? Bonne question, on verra à l’usage et il ne faut pas se faire d’illusion, ce ne sera certainement pas le cas. Rien n’empêchera jamais un voisin d’attaquer un projet simplement parce qu’il ne veut pas que quoi que ce soit se fasse ou tout simplement d’exercer son pouvoir de nuisance dans l’attente d’un billet. Mais c’est déjà quelque chose.

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